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furent tellement avantageux que l’augmentation annuelle des produits de l’agriculture, fut, ainsi que nous le voyons dans ce tableau, trois fois plus considérable qu’auparavant[1].

C’est dans la quatrième et dernière période, que nous trouvons quelque chose qui approche de la réalisation des prévisions de

  1. Sous l’influence du système que nous avons retracé dans la note précédente, les manufactures ne pouvaient guère prospérer, et il ne pouvait pas se former de marché pour les produits du travail consacré à l’œuvre de la culture. Le passage suivant nous fait voir quels obstacles s’opposaient au développement de ce travail, et cependant il ne révèle qu’une faible partie des mesures oppressives de la féodalité sous lesquelles le peuple gémissait.
      « Les opérations les plus importantes de l’agriculture étaient entravées, ou empêchées, par les lois sur la chasse et par les mesures restrictives destinées à en assurer le maintien. On laissait le gibier de l’espèce la plus destructrice, tel que le sanglier et les bandes de daims, parcourir en liberté de vastes districts qu’on appelait des capitaineries, sans qu’aucun enclos protégeât les récoltes. Le dommage qu’ils causèrent aux fermiers, dans les quatre paroisses de Montercau seulement, s’élevait à 184.000 fr. (soit 8.000 liv. sterl.) par an. De nombreux édits interdisaient l’usage de la houe et du sarcloir, dans la crainte que les jeunes perdrix n’en fussent effarouchées, ainsi que le fauchage du foin, de peur que leurs œufs ne fussent détruits, et l’enlèvement du chaume afin que les oiseaux ne fussent pas privés d’abris. On défendait de répandre, à la nuit, de l’engrais sur le sol, pour ne pas nuire à leur fumet. Les plaintes formées contre les infractions à ces édits étaient toutes portées devant les cours manoriales, où prévalaient toutes sortes de mesures oppressives, de chicanes et de fraudes. Rien ne peut surpasser l’énergie des expressions que l’on trouve dans les cahiers des assemblées provinciales, pour peindre la dureté de ces servitudes féodales. On imposait des redevances, à chaque mutation de propriété, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale ; il en était de même à l’égard des acheteurs pour toutes les ventes ; le peuple était forcé de moudre son blé au moulin du seigneur, de presser son raisin au pressoir du seigneur, et de cuire le pain à son four. Les corvées, c’est-à-dire les obligations de réparer les chemins, fondées sur la coutume, sur les ordonnances et l’état de servitude, étaient exigées avec la dernière rigueur. En certains endroits, l’usage même des moulins à bras, n’était pas libre. Il fallait que le paysan achetât, du seigneur, le droit d’écraser entre deux pierres le sarrasin ou l’orge. Il est inutile de chercher à tracer un tableau des servitudes féodales qui pesaient si durement sur l’industrie dans toutes les parties de la France. Leurs noms ne peuvent trouver d’analogues dans la langue anglaise. Longtemps avant que n’éclatât la Révolution, on se plaignait, par tout le pays, de la tendance exterminatrice de ces exigences féodales. Ces plaintes furent mieux comprises à mesure que la Révolution fit des progrès, et à cause des clameurs que souleva chez la noblesse l’abolition de ces exigences mêmes.
      « Les corvées, ou charges imposées pour l’entretien des grandes routes, ruinaient chaque année un nombre immense de fermiers. Pour combler une vallée en Lorraine, il n’y en eut pas moins de trois cents réduits à la mendicité. Les enrôlements pour la milice étaient aussi un grave sujet de murmures, et les cahiers les qualifiaient d’injustice sans exemple. Mais le peuple s’aperçut bientôt qu’il