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grais, le constructeur de charrue doivent aussi l’attendre. Tout travailleur sait que lorsque la monnaie circule librement, il trouve aisément à vendre son temps, et devient un bon client pour le fermier ; tandis que lorsqu’elle est rare, il voit forcément beaucoup de son temps se perdre, — et sa famille souffrir faute de subsistance, en même temps que le fermier souffre faute d’un marché. Les hommes, aussi bien que les animaux, ont des instincts ; et quand les philosophes sont conduits à enseigner le contraire de ce que tous les hommes autour d’eux sont naturellement conduits à croire, c’est parce qu’ils étudient la nature dans leur cabinet et non dans son grand laboratoire.

M. Bastiat ne pense pas « que les récentes découvertes des gisements d’or en Californie ajoutent beaucoup aux jouissances, aux satisfactions réelles de l’humanité prise dans son ensemble. — S’ils en augmentent la masse, ils la déprécieront. — Les chercheurs d’or seront plus riches qu’ils n’eussent été sans cela, mais ceux entre les mains de qui se trouve l’or actuel au moment de la dépréciation se procureront moins de satisfaction à somme égale. — Le résultat sera un déplacement, et non une augmentation de la richesse[1]. »

C’est là formellement nier que l’augmentation de richesse résulte de la facilité accrue d’obtenir la monnaie. Dans l’usage ordinaire et d’après le sens commun, richesse est pouvoir. De toutes les choses que fournit la terre, la monnaie est celle dont la possession confère le plus de pouvoir ; et pourtant l’on exige que nous renoncions à croire à un fait dont la vérité nous est attestée à chaque instant. C’est ce que veut partout l’école politique moderne, — dont les enseignements sont, au fond, en opposition avec tout ce que l’instinct nous conduit à croire. Et pourquoi cela ? parce qu’elle ne s’attache qu’à ces qualités que l’homme possède en commun avec la brute, — et qu’elle répudie toutes celles qui le font apte à occuper le rang destiné à l’HOMME.

§ 15. — Ses inconséquences avec lui-même.

M. Bastiat insiste sur l’inconvénient qui résulte, pour le possesseur de la monnaie existante, de la facilité accrue d’obtenir des surcroîts de quantité métaux précieux ; c’est pourtant exactement le même qui résulte pour les propriétaires de tous les autres capi-

  1. Bastiat. Maudit argent, p. 42.