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tels articles dont ils ont besoin. L’Autriche a une circulation de papier non remboursable, à l’exclusion des métaux précieux ; c’est une semblable qui existait dans tous les pays du nord de l’Europe, vers lesquels l’or a coulé si vite depuis l’adoption de leur présente politique. Il en a été ainsi aux États-Unis dans les périodes de libre échange qui ont précédé les lois protectrices rendues en 1824 et 1842. Dans toutes deux, la production diminua considérablement et tous les échanges dans les États du Milieu et du Sud s’effectuèrent au moyen de morceaux de papier portant promesse de payer un, deux, trois ou cinq cents, un quart, une moitié de dollar, ou de pleins dollars. Dans toutes deux, le papier disparut aussitôt que surgit l’aptitude à acheter l’or et l’argent nécessaires pour la circulation. Chez toutes les nations la qualité de circulation a tendu à s’améliorer avec l’accroissement de richesse — qui est toujours une conséquence de l’accroissement du pouvoir de combinaison.

§ 8. — Le grand besoin d’une société c’est le médium de circulation ; d’où vient le désir dans toutes les communautés d’établir une balance favorable de négoce. Inconséquences des opposants à cette idée.

Un médium de circulation, apte à rassembler et puis à diviser et à subdiviser les fruits des efforts de milliers, de dizaines de milliers et même de millions d’hommes, si bien que chacun soit à même d’obtenir sa part de la production unie, est un des besoins capitaux de l’homme. Sans lui point de combinaison d’effort sauf sur une petite échelle ; et cependant parmi les hommes pauvres et disséminés des premiers âges de société, le pouvoir manque d’acheter un tel instrument d’échange. C’est pourquoi dans ces âges ceux qui travaillent sont toujours à bien peu près les esclaves du trafiquant qui se tient entre eux et les consommateurs de leurs produits — qui accumulent fortune à leurs dépens[1].

  1. Le passage suivant d’un récent ouvrage allemand, sur la vie et les mœurs en Laponie, il y a un siècle, donne une idée parfaite des rapports entre le travailleur et le négociant dans les pays purement agricoles, soit de l’Amérique ou de l’Europe, de l’Afrique ou de l’Asie.
      « On exigeait un haut prix pour toutes les marchandises, et l’on faisait ainsi un profit considérable. Le prix du poisson, fixé par une commission de pêcheurs et de marchands à Lofodden était si bas que la plupart trouvaient à peine à payer leurs dettes ; plusieurs restaient arriérés et bon nombre étaient forcés d’emprunter, ce qui s’opérait sans qu’on leur donnât d’argent, mais en leur ouvrant un compte.
      « Je vois, dit Helgestadt, que cette manière de faire les affaires vous étonne ; mais sans cela il n’y aurait pas de trafic en Finnmark. Il ne faut pas que les gens de pêche touchent jamais d’argent, ils cesseraient alors de travailler. Je vous prie aussi, Herr Mastrand, de remarquer que tout homme qui est une fois en notre dette n’en sort qu’au jour où nous cessons de lui accorder crédit, parce qu’il devient