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village a son cordonnier, son forgeron et son comptoir à monnaie. Chacun a sous sa main une caisse d’épargne où il dépose ses épargnes, — achetant d’abord une action, puis une seconde, jusqu’à ce qu’enfin il soit en état d’acheter une petite ferme, — d’ouvrir une boutique, — ou de se mettre à fabriquer pour son propre compte ; alors il vend ses actions à quelqu’un de ses voisins qui est en voie de faire comme lui. La banque tire de l’usage de ses dépôts et de sa circulation de quoi couvrir ses dépenses et rien de plus, — la somme de capital oisif qui reste sous forme de monnaie soit réelle, soit imaginaire, étant toujours petite, comme l’est le montant de circulation à entretenir. Nulle part dans le monde le rapport des espèces et des billets au porteur au montant du commerce n’est si faible, et pourtant nulle part il n’existe de facilités si parfaites de fournir la circulation. Nulle part l’individu banquier ne se montre aussi peu, nulle part la banque ne négocie davantage sur son capital et aussi peu sur son crédit. Nulle part donc les banques ne sont aussi fermes et aussi sûres.

La liberté parfaite dans l’exercice du droit de s’associer n’a jamais existé ailleurs à un aussi haut degré ; et il en résulte le maintien d’une circulation moins sujette aux oscillations qu’aucune autre qu’on ait jamais vue. De toutes les communautés du monde c’est celle qui se fait gloire d’avoir le plus grand nombre de banques, et le plus fort montant de capital placé chez elles en proportion de sa population ; et on peut voir que ces banques, grâce à la liberté parfaite dont elles jouissent, ont réussi à traverser la période calamiteuse de 1835 à 1842 avec une altération dans leurs prêts de moins que 3 %. Elles ne peuvent s’étendre improprement parce que, — grâce à la concurrence complète, — des établissements rivaux suivraient cette extension ; on voit ainsi qu’elles sont gouvernées par la même loi qui empêche le cordonnier et le tailleur, en exigeant des prix exorbitants, de fournir occasion à des ouvriers rivaux de surgir « et de les chasser de leurs établis. » Comme elles n’ont pas faculté de s’étendre indûment, point de danger qu’elles aient à se resserrer. Toujours fermes dans leur mouvement, point de faillite de leurs clients, point de faillite d’elles-mêmes, comme on le voit par le fait que dans quarante années de guerre et de révolutions commerciales on n’a compté que deux faillites. L’outillage d’échange de la main à la main est là plus parfait et moins