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reuses les produits des manufactures étrangères, en général, tandis qu’il déployait son activité en tout sens pour naturaliser, parmi ses compatriotes, les matières premières dont ils avaient besoin pour le développement convenable de leur agriculture, et l’habileté nécessaire pour les convertir en denrées appropriées aux besoins de l’homme.

Pendant le règne de Louis XIV, la centralisation politique tendit à s’accroître, mais le système de son grand ministre avait pour but la décentralisation sociale et commerciale ; et c’est en grande partie à ses mesures qu’on doit les progrès qui se sont manifestés depuis cette époque dans l’agriculture, l’industrie et le commerce. « L’ensemble de ces mesures, dit M. Blanqui, compose le plus bel édifice qui ait été élevé par aucun gouvernement à la science économique. Seul parmi les ruines du passé, continue l’auteur, il est demeuré debout ; et il plane encore de toute sa hauteur sur nos institutions, qui n’ont pas perdu, malgré le choc des révolutions, l’empreinte de son imposante originalité. Colbert, dit-il encore, ouvrit la carrière au travail national d’une manière régulière et savante ; par lui, la France cessa d’être exclusivement agricole, et elle s’enrichit tout à la fois de la valeur nouvelle donnée à son territoire et à ses habitants[1]. »

  1. Blanqui. Histoire de l’économie politique en Europe, 3e édit. p. 2. — Paris, Guillaumin 1845, 2 vol. in-18. — M. Blanqui se proclame l’adversaire du principe de protection, et cependant il ne peut s’empêcher d’exprimer son admiration pour les résultats qu’il a produits. Il en est de même de J.-B. Say, qui dit à ses lecteurs que la France possède aujourd’hui les plus belles manufactures du monde pour les étoffes de soie et de laine, ce dont elle est probablement redevable au sage système suivi par Colbert. Tous ceux qui ont étudié l’histoire de ce grand homme partageront sans hésitation les idées exprimées par M. Amédée Thierry, dans le discours annuel qu’il a prononcé comme président de l’Académie des sciences morales et politiques, en janvier 1856 :
      « Le fondateur du système de protection, dit-il, comprenait la liberté commerciale et industrielle ; il l’aimait, mais il désirait qu’elle fût possible, et pour qu’il en fût ainsi, il fallait d’abord que le commerce et l’industrie existassent. Elles sont nées parmi nous et elles se sont développées, grâce à cet heureux mélange d’autorité protectrice et d’émancipation graduelle qui caractérisait le système de Colbert, dans lequel, malgré tout ce qu’on a pu dire de contraire, il n’existe rien d’absolu ou d’exclusif, où le temps est le principal agent de la liberté. »
      « Louis XIV pouvait dire avec vérité et avec justice, qu’en lui donnant Colbert, Dieu avait fait beaucoup pour la prospérité et la gloire de son règne. La France pouvait ajouter qu’elle doit à ses sages conseils l’admirable développement de son industrie, et que celle-ci, à son tour, lui doit la force qui lui permet de réduire les barrières qui l’ont protégée. »