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cela continua jusqu’au jour où les propriétaires du capital ainsi rendu stérile, eussent pourvu pour eux-mêmes à de nouveaux placements. Aussitôt la scène change, — l’adversité succède à la prospérité, — la propriété perd partout sa valeur, — les bras surabondent et ne trouvent plus d’emploi, — et la banque elle-même n’est sauvée d’une suspension que par l’heureuse découverte d’un paquet de billets d’une livre dont elle peut se servir au lieu d’or[1].

  1. Le récit suivant de l’état des affaires à l’époque en question (1825) fournit la preuve concluante des effets désastreux du pouvoir de monopole et des effets prodigieux qui peuvent résulter de l’altération la plus minime de la circulation. — « À la fin de novembre, la banque de Plymouth fit faillite ; le 5 décembre vit la faillite de la maison sir Peter Pole et C° de Londres, qui répandit une consternation générale, car elle avait des comptes avec quarante banquiers de province. Les conséquences furent désastreuses à l’extrême. Dans les trois semaines suivantes, soixante-dix banques dans la capitale et la province suspendirent leurs payements. Les maisons de Londres étaient assiégées du matin au soir d’une foule bruyante demandant des espèces contre leurs billets. La banque d’Angleterre elle-même eut la plus grande peine à apaiser l’orage ; et elle fit au gouvernement des adresses répétées pour un ordre du conseil qui suspendit les payements en espèces. Celui-ci déclara refuser tant que la banque aurait une guinée en caisse, et en attendant, la consternation dans tout le pays atteignait le plus haut degré. Chaque créancier pressait son débiteur qui cherchait en vain des espèces pour s’acquitter. Les banquiers, touchant à l’insolvabilité, refusaient durement tout arrangement même avec leurs clients les plus favoris. Des hommes dont l’avoir allait à 100.000 livres ne disposaient pas de 100 livres pour se sauver de la ruine. « Nous étions, a dit M. Huskisson, à vingt-quatre heures du retour au troc.» Dans cette extrémité le gouvernement, malgré sa forte confiance dans la circulation métallique, dut arriver à la seule mesure qui pût sauver le pays. Il était évident pour tous qu’on touchait à la débâcle qui menaçait d’une ruine universelle. Cela provenait d’un brusque resserrement de la circulation du pays par la saignée d’espèces sur les banques, au moment même où il eût fallu son expansion pour soutenir les immenses engagements pécuniaires des habitants. Le remède était clair, — donner expansion à la circulation sans s’occuper de l’écoulement de l’or. C’est ce que fit le gouvernement. Immédiatement après la faillite de la maison Pole et C°, on tint de fréquents conseils de cabinet, et la résolution sage fut enfin prise d’émettre dans la circulation des billets d’une et deux livres de la banque d’Angleterre. Ordre fut envoyé à la Monnaie de frapper le plus possible de souverains, et pendant une semaine elle en frappa par jour cent cinquante mille. Mais alors une difficulté nouvelle surgit. Il y avait une telle demande des billets de la banque d’Angleterre, pour combler le vide occasionné par le discrédit général de la circulation des banquiers de province, que la banque ne pouvait procéder suffisamment vite à leur émission. Dans cet embarras, alors que les espèces en caisse étaient réduites à 1.000.000 livres et que la presse allait chaque jour croissant, une trouvaille due au hasard tira la banque de ces difficultés immédiates et lui permit de continuer les émissions aux banquiers, grâce auxquelles le pays fut sauvé d’une ruine totale. Une vieille boîte,