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et des Bonaparte, avec un pouvoir correspondant pour le bien et pour le mal. Bien dirigés, la locomotive et son train peuvent accomplir plus de bien que le cheval et le chariot auquel il est attelé ; mais mal dirigés, le passage à la destruction est beaucoup plus certain.

Une banque est un instrument de grand pouvoir, soit pour le bien, soit pour le mal. Bien dirigée elle tend à produire régularité de mouvement et certitude de résultat ; et c’est alors que les facultés latentes de l’homme se développent, — que l’agriculture passe à l’état de science, — que le commerce augmente, — et que les hommes gagnent en liberté. Mal dirigée, elle tend à produire l’irrégularité de mouvement, — stimulant par là le penchant que l’homme a pour le jeu, et le reportant à cet état de barbarie où il devient de plus en plus l’esclave de la nature et de son semblable.

Le fait que ces derniers effets se soient produits est depuis longtemps évident, et quelques économistes en ayant vu la cause dans le pouvoir d’émettre des billets de circulation, on a essayé d’y porter remède sous forme de restrictions de l’exercice de ce pouvoir. Loin cependant d’obtenir par là l’effet désiré, cette instabilité s’est accrue à chaque restriction plus forte, comme l’a prouvé toute l’expérience de la Grande-Bretagne et des États-Unis. — Les oscillations dans la valeur de la monnaie, depuis qu’a été rendue dans un pays la loi de Robert Peel, et que dans l’autre on a adopté la politique du général Jakson, ont été plus fortes qu’on ne les avait jamais vues en temps de paix.

Il en devait arriver ainsi, et par la raison que la politique des deux est directement contraire à tout ce que, raisonnant à priori, nous attendrions devoir être vrai ; et à tout ce que, à posteriori, nous trouvons avoir été vrai. Tous les articles tendent à se mouvoir vers les lieux où ils reçoivent le plus haut degré d’utilité. C’est là une proposition simple dont la vérité est prouvée par toute l’expérience. Le billet de circulation donne au porteur un droit de propriété sur une certaine somme qui gît dans les caves d’une banque, — en même temps qu’il lui donne pouvoir de changer à volonté la propriété y incluse, et sans la plus légère dépense de travail. Il en est de même aussi avec l’établissement d’un lieu de dépôt sûr pour la monnaie dont la propriété peut se changer au moyen de mandats. Le billet au porteur et le mandat augmentent le degré d’utilité des métaux précieux ; et c’est pourquoi la monnaie tend à couler vers les