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dont les mouvements ont été regardés comme les moins dignes d’attention par les modernes économistes politiques. Plusieurs nous ont même enseigné que l’unique effet d’un surcroît d’un article, dont la possession excite tellement la sollicitude de l’humanité entière, est que, au lieu d’avoir à compter cent, deux cents ou trois cents pièces, il nous en faudra compter trois cents, six cents ou neuf cents ; et que, par conséquent, il y a économie à être forcé d’accomplir l’œuvre d’échange avec la plus petite quantité de l’instrument qui peut seul servir à cet effet. Tous les enseignements des économistes modernes sur ce sujet sont en contradiction directe avec ceux du sens commun de l’humanité, et comme il advient d’ordinaire, ce qui est suggéré à tous les hommes à la fois, par le sentiment de leurs propres intérêts, est beaucoup plus juste que ce qui est enseigné par des philosophes prétendant découvrir dans le for intérieur de leur intelligence les lois qui régissent l’homme et la matière — et refusant d’étudier les mouvements de la population dont ils sont entourés.

Le sauvage, dénué du moindre savoir, trouve dans les inondations et les tremblements de terre, la preuve la plus concluante du prodigieux pouvoir de la nature. Le savant la trouve dans le mécanisme magnifique, bien qu’invisible, au moyen duquel les eaux de l’Océan sont journellement élevées pour redescendre en rosées rafraîchissantes et en pluies d’été. Il la trouve aussi dans cette perspiration insensible, qui entraîne au dehors presque toute la quantité d’aliments absorbée par les hommes et les animaux. Il la voit encore dans le travail de petits animaux invisibles à l’œil nu, à qui nous devons la création d’îles élaborées avec les détritus terreux qui ont été entraînés des montagnes à la mer et déposés dans son sein. L’étude de ces faits le conduit à conclure que c’est dans l’opération minutieuse et à peine perceptible des lois physiques, que se trouve la plus haute preuve du pouvoir de la nature, et la plus grande somme de force.Il en est de même dans le monde social[1]. Pour le

  1. Le prodigieux effet de changements si minimes qu’ils échappent à nos sens est fort bien exposé dans le passage suivant d’un auteur à qui nous avons déjà beaucoup emprunté.
      « Une altération dans le monde naturel de choses d’une sorte tellement tenue qu’elle est inappréciable à nos sens, produirait d’un seul coup l’extinction certaine de la vie animale et végétale. Qu’il plaise au Tout-Puissant d’ordonner que la très minime proportion d’acide carbonique qui se trouve dans l’atmosphère disparaisse,