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dollar par tête de la population[1]. Il peut monter à 30.000.000 dollars ou 35.000.000, et, toute faible que soit cette somme, elle eût produit un grand effet pour accélérer la circulation, n’eût été la circonstance simultanée, que la dette envers les pays étrangers avait augmenté au point d’exiger une remise annuelle égale au montant total de l’exportation de subsistance au monde entier, rien que pour payement d’intérêt, — circonstance produisant incertitude et défiance générales, — causant un amoncellement considérable de monnaie, — et paralysant les mouvements de commerce. C’est par suite de cela que le pays présente aujourd’hui le spectacle le plus étrange du monde, — celui d’une communauté qui possède une des grandes sources qui fournissent la monnaie, et où cependant le prix payé pour son usage est trois fois, et dans quelques parties du pays, cinq ou six fois ce qui se paye dans ces pays de l’Europe qui trouvent leurs mines d’or dans leurs hauts fourneaux, leurs forges, leurs fabriques à laine et à coton.

La politique de ce pays, à peu d’exceptions près, a visé à abaisser les prix des denrées brutes de la terre, et par là faciliter leur exportation ; et les métaux précieux vont toujours à la suite. Le résultat, à l’intérieur, a été l’épuisement du sol sous une agriculture peu progressive, — le rendement plus faible de la terre, — le prix-monnaie de plus en plus avili du tabac, de la farine, du coton

  1. Dans le dernier rapport de la trésorerie le surcroît au stock de métaux précieux dans les cinq années dernières, est évalué à 100.000.000 et peut être à 150.000.000 dollars. On fait cependant une petite déduction pour la consommation dans les arts, laquelle dans les cinq ans a absorbé au moins cinquante de ces millions. On n’en fait aucune pour le fait que 20.000.000 sont toujours tenus dans les caves de la trésorerie et restent là aussi inutiles que le pourrait être une masse de cailloux du même poids. On prétend qu’il résulte un grand avantage d’accroître la difficulté de transférer la propriété monétaire, en forçant les individus à porter de l’or dans leurs poches, alors que si la loi le permettait ils préféreraient porter des bank-notes. On ne tient pas compte d’un système foncier qui force de transporter en or des millions de dollars d’un bout du pays à l’autre, — à grands frais et risques, — lorsqu’on pourrait se servir de traites, n’était que le gouvernement fédéral a pour objet, autant que possible, de détruire l’utilité des métaux précieux, en poussant à leur transportation et empêchant ainsi leur circulation. Du jour où le libre échange a été inauguré comme la politique du parti dominant dans le pays, il y a eu guerre presque incessante contre le crédit, et il en est résulté qu’il faut 200.000.000 dollars en or et argent, pour effectuer moins de commerce, qu’on en ferait avec moins de 100.000.000, et cela avec une fermeté et une régularité aujourd’hui tout à fait inconnues.