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France, parce que, dans ce dernier pays, les deux tiers de la population se livrent à l’agriculture ; tandis que, dans la première, un quart seulement se consacre au travail agricole, en même temps que le peuple est mieux nourri ; et l’on conclut de là que des fermes considérables, dirigées par des tenanciers et exploitées par des travailleurs dont on loue les services, sont plus productives que des fermes de peu d’étendue, possédées par des individus qui les exploitent, et qui trouvent dans leur exploitation des petits fonds d’épargne, en retour de tous les efforts physiques et intellectuels que le simple ouvrier mercenaire dépense en pure perte à chercher du travail, soit au cabaret où il passe ses heures de loisir, soit dans ses allées et venues au lieu où il travaille. Le bon sens enseigne le contraire de tout ceci, et c’est aussi ce que fait Adam Smith. Cet économiste savait, ainsi que tout le monde le sait, que le petit propriétaire, consacrant tout son temps et toute son intelligence au morceau de terre sur lequel il résidait constamment, était un plus grand améliorateur que le possesseur absent d’immenses domaines ou son locataire intermédiaire, ce dernier ne songeant qu’au profit actuel et ayant des intérêts directement opposés à ceux de l’individu qui possédait la terre et de ceux qui accomplissaient l’œuvre de la culture. Telle n’est pas cependant la doctrine de l’école anglaise qui a succédé au docteur Smith, et dont les enseignements peuvent se résumer brièvement dans ce petit nombre de paroles : « Plus il y aura d’intermédiaires, c’est-à-dire plus il y aura de gens placés entre le producteur et le consommateur pour s’entretenir à leurs frais communs, mieux il en ira pour tout le monde. »

Que telle soit la tendance des doctrines de cette école et que la diminution dans la proportion existante entre la population agricole et la population qui s’occupe de transporter, de transformer et de vendre les produits soit regardée comme un progrès, c’est ce qui demeure évident par ce fait, que l’un des professeurs les plus distingués de l’école anglaise affirme à ses lecteurs « que la bonté de la nature est illimitée dans le travail industriel ; mais que cette bonté a des limites, et qui sont très-restreintes, dans le travail agricole. Le capital le plus considérable peut être dépensé dans la construction de machines à vapeur ou de toute autre espèce de machines ; et après avoir multiplié celles-ci indéfiniment, les dernières employées peuvent être aussi puissantes et rendre