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rissants dont chacun offrait un centre local d’échange et le commerce était alors considérable. Il en était de même en Sicile, et dans toutes les îles de la Grèce, au Mexique, avant l’époque de Cortez et au Pérou sous l’empire des Incas ; et depuis on a vu se produire les mêmes faits en Belgique et en Hollande. Partout, à mesure que la centralisation s’est développée et que les individus ont été forcés de chercher un marché éloigné, le commerce a décliné, ainsi que nous l’avons constaté en Grèce, en Italie, au Mexique et au Pérou ; et partout, à mesure que l’agriculture a décliné, les hommes ont été de plus en plus asservis[1].

§ 12. — Les modernes économistes anglais enseignent que l’agriculture est la moins productive des professions de l’homme. Énorme différence entre leur système et celui d’Adam Smith.

Les idées que nous venons de présenter sont en parfaite harmonie avec celles d’Adam Smith, tandis qu’elles diffèrent complètement de celles de l’école anglaise. Cette école a donné au monde la théorie de l’excès de population, théorie qui forme aujourd’hui la base fondamentale de l’économie politique moderne. Jamais il n’y eut entre deux systèmes de divergence plus profonde ; l’un d’eux s’occupant entièrement de développer le commerce, tandis que l’autre s’occupe aussi exclusivement du trafic. Et cependant, ceux qui enseignent le dernier système prétendent appartenir à l’école de l’illustre Anglais, auquel le monde doit la Richesse des nations !

L’un considère l’homme comme un être, tel qu’il existe en effet, destiné par son aptitude à obtenir l’empire sur la nature et conquérant cet empire à l’aide de l’association avec ses sembla-

  1. Columelle rapporte que dans la plus grande partie de l’Italie, on voit peu de cas où le rendement du sol dépasse 4 pour 1. Les plaintes croissantes sur la diminution du produit, à mesure que nous descendons un degré dans la série des auteurs sont tout à fait d’accord avec de semblables revenus. Elles sont encore confirmées par les déclarations précises que l’on trouve dans les écrivains modernes, et qui établissent que le prix de la vente ainsi que la rente de la terre avaient baissé, bien que le prix du blé se fût élevé graduellement à la valeur de 3 schell. 6 pences par quarter avant Caton et de 10 schell. à l’époque où il vivait, jusqu’à celle de soixante schell. du temps de Pline l’ancien. Les dépenses occasionnées par le travail agricole n’avaient pas, à ce moment même, augmenté sensiblement. Palladius, l’auteur le plus moderne, rapporte que le prix d’un esclave destiné aux travaux des champs varie de 60 à 66 liv. (Gisborne. Essais sur l’Agriculture, p. 184.)
      Rome et sa population étaient de grands propriétaires absents, vivant des impôts levés sur des provinces éloignées. La terre d’Italie était alors possédée en masses énormes et cultivée par des esclaves. La production étant donc faible, le prix de la terre et du travail était bas, tandis que les subsistances étaient chères et que le paupérisme était presque général. C’est ainsi que la centralisation et l’excès de population marchent toujours de conserve.