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d’esclaves d’un côté et les esclaves eux-mêmes de l’autre. Dans les pays en progrès de l’Europe, — ceux où les hommes améliorent la condition de leur sol, et développent ses ressources minérales, acquérant ainsi ce pouvoir de diriger les forces naturelles qui constitue la richesse, — liberté et commerce augmentent ensemble. Aux États-Unis, comme dans tous les autres pays soumis à la domination du trafic, la centralisation s’accroît ; et chaque pas dans cette direction tend inévitablement vers l’esclavage et la mort politique et morale, le lecteur peut le tenir pour certain.

Au nord, des hommes éminents dans le monde négociant emploient leur capital à prendre livraison de coolies, et leurs vaisseaux à transporter ces malheureux qui sont ainsi achetés et vendus[1] — et au sud, on prétend que « la politique et aussi l’humanité interdisent d’étendre la société libre à un nouveau peuple et aux générations à venir ; on nous assure que « la chose étant immorale et irréligieuse ne peut manquer de tomber et de livrer place à une société esclave, — système social aussi vieux que le monde, et aussi universel que l’homme[2]. »

  1. Le plus grand nombre des coolies va à la Havane, où on les envoie dans l’intérieur de l’île et sont traités exactement comme esclaves. Voici ce qu’écrivait le consul américain à la Havane, à la date du 14 avril 1855, au sujet de l’arrivée d’un vaisseau anglais, avec une cargaison de quatre cents émigrants chinois. « C’est le premier lot d’un nombre attendu, d’après un contrat qui stipule pour 7.000 ou 8.000. » D’autres contrats sont passés, et comme le prix a monté de 120 dollars à 170 et que les émigrants s’enlèvent aussitôt leur arrivée, il est plus que probable qu’on en importera davantage. « Parmi ceux qui sont déjà ici, dit le correspondant journal américain, il y a nombre de pirates qui ont été capturés et vendus aux contractants. » Le consul dit plus loin : « Que ces travailleurs ne sont pas mieux et même sont plus mal traités sur les plantations que les nègres esclaves. » Un capitaliste envoie un agent pour exporter 10.000 coolies, et on calcule qu’il s’est passé de 1855 à 1856, des contrats pour 50.000. Le taux de mortalité à bord semble être un dixième, de sorte que sur le dernier chiffre 5.000 périront dans la traversée. À New-York, un navire, le Shylark, sur 500 Chinois en a perdu 59. Du port de Swatow, en 1855, douze navires, dont cinq américains, ont embarqué 6.388 coolies. Swatow est un port illicite, même pour un négoce légal.
  2. Richmond Enquirer. Un journal de la Caroline du Sud affirme à ses lecteurs que — « l’esclavage est la condition normale et naturelle de l’homme qui travaille, qu’il soit blanc ou noir. Le grand mal de la libre Société du Nord, continue-t-il, c’est d’être chargée d’une classe servile, d’artisans et de travailleurs incapables de se gouverner eux-mêmes, et cependant revêtus des attributs et des pouvoirs de citoyens. Maître et esclave font un rapport dans la société aussi nécessaire que celui de père et d’enfant ; et les États du Nord auront cependant à l’introduire chez eux. Leur théorie de gouvernement libre est une illusion. »