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concurrence pour l’acheter, excepté dans ces moments de prospérité imaginaire, — comme en 1818, 1836 et 1856, avant-coureurs infaillibles d’une suspension complète du mouvement sociétaire, de la disparition du commerce et de la complète suprématie du trafic[1].

L’instabilité cause ainsi la déperdition de travail et produit la soif des places comme on le voit si clairement dans tous les pays de l’hémisphère orientale à la remorque du commerce. Cette soif s’accroît en Angleterre et en Irlande. Dans l’Inde et la Turquie, la fonction publique est la seule route à la fortune et à l’importance. Toute grande qu’est cette soif en France et en Allemagne, elle est moindre qu’il y a un siècle. À aucune époque, elle n’a existé chez nous à un moindre degré que dans les périodes de protection qui finissent en 1835 et 1847. À aucune, elle n’a été aussi universelle et aussi intense qu’aujourd’hui, à la fin de la première décade du système de 1846 ; et nous avons là une des preuves les plus concluantes d’un déclin de civilisation[2].

  1. Voici un extrait du Richmond Enquirer qui peint l’état de choses en Virginie, mais il peut s’appliquer également à toute l’Union en masse.
      « C’est un malheur que tant de nos jeunes hommes prennent les professions du barreau et de la médecine. Il y a surabondance dans les deux, dans cet État ; elles sont encombrées à l’excès. Il y a dans cet État un médecin pour six cents têtes de la population, nègres et blancs. Si les bénéfices de la profession se répartissaient également ils n’iraient qu’à 600 dollars pour chaque praticien. Mais ce n’est pas le cas. Fort peu réussissent, tandis que le plus grand nombre ne trouve pas à vivre, et beaucoup abandonnent de désespoir la profession, après avoir dépensé peut-être leur petit patrimoine pour y entrer. — Il y a un homme de loi par mille têtes de la population noire et blanche. Je ne suppose pas que dans le présent état de la profession, elle donne plus de deux ou trois cents dollars si les bénéfices se répartissaient également — mais comme dans le cas des médecins, quelques-uns obtiennent la plus grosse part. En prenant les deux professions comme un seul corps, il y a, de fait, très-peu de gens qui y font fortune, et le nombre des heureux doit diminuer en raison qu’augmente le nombre des enrôlés dans la profession. Le mieux, le mieux suprême, serait pour nos jeunes hommes d’entrer dans quelque profession moins encombrée et plus lucrative. » — Malheureusement dans chaque profession ouverte à la population, il n’y a pas moins foule. Dans les dernières dix années, la population a augmenté d’au moins sept millions d’âmes, et pourtant le chiffre de gens engagés dans les grandes branches de l’industrie manufacturière — par exemple, coton, soie, laine, lin et chanvre, n’a probablement pas augmenté. De plus cela empêche que se développe la fabrication de machines et jette forcément la jeunesse instruite du pays dans les négoces ou dans les professions, qui sont toutes encombrées à un point dont aucun pays n’a jamais offert d’exemple.
  2. Il y a trente ans, on exigeait que les hommes convinssent aux places auxquelles