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qui produit et celui qui consomme[1]. De là l’état primitif et barbare de tous les instruments agricoles dans le Sud et l’amour croissant de l’esclavage[2].

§ 6. — Le pouvoir du trafiquant s’accroît fermement tandis que celui du fermier et du planteur diminue du même pas. Il s’ensuit instabilité et irrégularité du mouvement sociétaire.

Plus le pouvoir d’association et de combinaison se perfectionne, plus s’accélère le progrès des connaissances agricoles, plus augmente la quantité des denrées obtenues de la terre, plus diminue la proportion requise pour payer la taxe de transport et d’échange, — et plus augmente chez le planteur et le fermier le pouvoir de déterminer par eux-mêmes l’application de leur travail et de leur terre. Moindre est ce pouvoir, plus l’agriculture cesse d’être une science, moindre est la quantité de choses obtenues, plus forte est la quote-part exigée par le négociant et le transporteur, et plus vite le cultivateur tombe à la condition de pur esclave, que contrôleront dans toutes ses opérations ceux qui se tiennent entre lui et le consommateur de ses produits. Les populations de l’Inde et de l’Irlande, de la Turquie et du Portugal, de la Jamaïque et du Brésil, — bien que prétendant être libres, — n’ont pas le pouvoir de choisir l’emploi de leur terre et de leur travail. Le prix de toutes leurs utilités est fixé sur le grand marché central, occupé comme il l’est par des hommes qui désirent que le blé et le lin, le sucre et le café, le coton et l’indigo soient à bas prix, et que le drap et le fer soient chers. Elles sont ainsi tenues tellement pauvres qu’elles ne peuvent s’aider elles-mêmes et sont réduites à compter sur les avances que leur fait le négociant qui

  1. « Nous avons été sans café, sucre, thé ou farine pour les derniers six mois. Nous n’avons point eu de pommes de terre pendant deux ans et point de patates douces cette année. La récolte de pois a manqué la saison dernière, faute d’avoir pu semer. En réalité, nous avons été mourant de faim, à la lettre, presque en vue de l’abondance. Mon emballage et ma corde m’ont coûté l’année dernière 23 à 14 cents, et mon coton, grâce au taux élevé du transport, ne m’a donné net que 5 cents. Ceci vous montre l’état actuel des choses dans ma section et à quelques milles de deux rivières importantes À quoi servent de bonnes terres et de riches récoltes sans marchés où vendre et acheter ? » — Letter from Texas, in a New-Orleans Journal.
  2. Le « Nigger hoe. » La houe-nègre fut introduite d’abord dans la Virginie comme un substitut à la charrue pour rompre le sol. La loi fixe son poids à quatre livres, — ce que pèse la hache du forestier ! On s’en sert encore non-seulement en Virginie, mais en Géorgie et dans les Carolines. Les planteurs nous disent, comme raison de son usage, que les nègres briseraient une charrue yankee sur la première racine ou pierre qu’ils viendraient à rencontrer. » — Correspondence of the New-York Tribune.