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mains, d’abord en obtenant plus d’argent de son blé, et puis en obtenant plus de drap pour son argent. Les salaires ruraux s’élèvent, et avec cette hausse il y a nécessairement hausse constante des salaires dans toute autre branche d’emploi. C’est seulement en incitant la population rurale à venir dans les villes que les fabriques peuvent s’approvisionner de travail. Si nous désirons améliorer la condition de l’homme, nous devons commencer par le travailleur rural : ses salaires étant l’étalon type auquel tous les autres se rapportent, et qui est leur régulateur. Plus il s’opère rapprochement entre les prix des matières premières et ceux des utilités achevées, plus s’élèvent les salaires et plus s’accroît la tendance à la civilisation.

Ce qui est arrivé en Angleterre, ce qui arrive en France, arrive de même ici. L’opération de créer un marché pour la subsistance qui aujourd’hui s’exporte produira une demande pour la force tant musculaire qu’intellectuelle, permettant à chaque homme de vendre ses services et d’acheter ceux de ses voisins. La demande du travail en fera hausser le prix, et plus vite le prix haussera, plus on saura l’économiser ; plus augmentera le pouvoir d’accumulation, plus augmentera l’outillage nécessaire pour permettre à l’homme d’appeler à son aide les forces de la nature, plus s’accroîtra la proportion de force intellectuelle et physique que la communauté donnera à développer les ressources de la terre, et plus s’accroîtra la rémunération du travail en subsistances et en vêtement. Le commerce prendra un développement rapide, mais le pouvoir du trafic déclinera d’autant, précisément comme nous avons vu, que ça été le cas tant en France qu’en Angleterre aux époques en question.

La proposition que la civilisation progresse en raison directe de la disparition des obstacles interposés entre le producteur et le consommateur, et du rapprochement qui résulte entre les prix des produits de la terre sous leur forme brute et sous leurs formes achevées est une grande loi universelle qui ne souffre point d’exception. Cela étant, il suit nécessairement que les matières brutes doivent gagner du prix à mesure que les utilités achevées viennent à baisser ; que la civilisation doit avancer à mesure qu’avance le prix de ces matières ; et que cette civilisation doit se manifester sous la forme d’un accroissement du pouvoir d’association, d’un accroissement du développement d’individualité, d’un accroisse-