Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui soit exactement analogue, nous le trouverons en étudiant ce qui se pratique dans l’Irlande ou l’Inde, le Portugal et la Turquie, pays qui suivent la voie anglaise. Chez eux tous les prix des matières brutes et ceux des utilités achevées vont s’écartant de plus en plus les uns des autres, avec un abaissement constant de la valeur de l’homme et de la terre, et la difficulté de plus en plus croissante d’obtenir la nourriture et le vêtement nécessaires à l’entretien de l’homme. Comme eux, les États-Unis vont tombant d’année en année de plus en plus dans la dépendance du trafic, et dans l’inaptitude à entretenir commerce entre eux-mêmes.

§ 5. — Les faits observés correspondent exactement avec ceux observés en Angleterre, aussi longtemps que celle-ci a continué à exporter les denrées brutes du sol.

En nous reportant à l’Angleterre d’il y a un siècle, nous trouvons précisément le même état de faits et résultant de causes précisément semblables : une dépendance croissante des marchés lointains, accompagnée de la nécessité croissante de se servir de l’outillage du transport, marine et roulage, matelots et rouliers. Le prix du blé y tombe régulièrement jusqu’à ce qu’enfin il atteigne le point très-bas de 21 sh. 3 d. par quarter ; tandis que les objets manufacturés continuent à avoir des prix élevés. Aussitôt cependant qu’un marché domestique est créé, le prix s’élève ; il est presque double dès la première décade, et puis il monte à une moyenne de 51 sh. 3 d., et reste à ce point ou à peu près pour vingt-cinq années[1]. Le drap et le fer pendant ce temps tombent à meilleur marché ; manifestation d’un rapprochement soutenu entre les prix, la preuve la plus incontestable de toutes, d’une civilisation qui avance.

La quantité totale de subsistances pour laquelle la Grande-Bretagne avait alors besoin du marché étranger, était insignifiante au dernier point ; l’exportation moyenne, dans la décade qui finit en 1755, lorsque le prix était le plus bas, n’ayant été que 4.000.000 boisseaux seulement ; et cependant toute faible qu’elle était, la nécessité d’aller au dehors pour la vendre produisait le plein effet que nous avons indiqué. Le marché régulateur de cette époque était la contrée sur le Rhin, alors le grand siège des manufactures, et plus était forte la quantité expédiée, plus s’abaissait le prix qu’elle rencontrait, et plus s’avilissait celui qui s’obtenait sur le lieu de la production. Les 4.000.000 boisseaux jetés sur ce mar-

  1. Voir preced., vol. I.