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sauf la simple exception du vent pour pousser les navires. La nation était donc pauvre, et si pauvre lors de la déclaration de guerre contre la Grande-Bretagne, en 1812, que son impuissance de s’habiller elle-même poussa le gouvernement à l’expédient de s’emparer de l’île Amélia, une possession espagnole de la côte de la Floride, dans la vue unique et spéciale de mettre les citoyens à même d’éluder ses propres lois, — d’introduire dans l’Union certaines cargaisons de drap et de couvertures, dont l’importation régulière était interdite par les lois de non-intercourse émises comme représailles des ordres en conseil[1].

La guerre qui suivit produisit des effets semblables à ceux qu’on observa sur le continent européen, — la construction d’usines et de fourneaux en bon nombre, et l’ouverture de plusieurs mines, — ce qui fournit un marché si considérable pour les subsistances, la laine et les autres produits bruts de la terre, qu’on ne tarda pas à

  1. L’entière inaptitude à se défendre elle-même d’une nation tout à fait dépendante du trafic est bien démontrée dans l’article suivant du London Times, que l’on peut regarder comme un tableau de la faiblesse de l’Union au moment présent. Le pouvoir de se protéger soi-même existe dans une société en raison directe du développement d’individualité chez les individus dont elle se compose. Plus il est grand, plus il y a développement de commerce, et moins elle est dans la dépendance du trafic. — « Les exportations des États-Unis, alors comme aujourd’hui, son affaire la plus importante, qui, en 1807, s’élevaient à 22.500.000 livres st., tombaient en 1812 à 8.000.000 ; en 1813, à 5.800.000 et en 1814 à 1.443.216 ; tandis que celles du Royaume-Uni avaient monté de 31.000.000 livres, en 1807 à 53.500.000, en 1814, année au commencement de laquelle la grande guerre européenne prit fin — du moins pour quelque temps. La pression de la guerre s’était fait pourtant alors sentir dans les États-Unis. Ils étaient entrés en guerre non préparés ; leur marine consistait en huit frégates et douze sloops, qui tous n’étaient pas complètement armés ; leur armée de vingt-quatre mille hommes non organisée, ni disciplinée, et, comme le prouva le premier résultat, hors d’état de faire face à nos régiments sur le champ de bataille. Leur marine marchande était disséminée, sans protection, sur tout le globe. Le blocus ruinait leurs douanes, leur unique source de revenu (sauf l’exception de la vente des terres vierges) ; et la conséquence fut qu’un pays qui, à grande difficulté, avait été induit à supporter une taxation de 3.000.000 livres st. se trouva appelé à supporter une guerre coûteuse, dont le caractère particulier était de détruire les ressources même destinées par la nature à former la force intérieure et celle extérieure des États-Unis. Un recours à de lourds droits d’excise était l’unique voie ouverte pour lever le revenu nécessaire, et l’on mit des droits énormes sur les licences pour vendre les vins, les alcools, sur les actions, les vaisseaux, le sucre, les billets de banque, les effets de commerce, le sel. Cette hâblerie de Jefferson que jamais le collecteur n’entrerait dans la maison d’un citoyen américain, creva comme une bulle d’air, et l’impopularité de l’excise ne tarda pas à amener l’impopularité de la guerre qui en était la cause. »