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millions d’âmes, et la superficie comprise entre les États et territoires du littoral atlantique et ceux qui bordent immédiatement le Mississippi dépasse un million de milles carrés, ou 640.000.000 acres, dont chaque acre pourrait nourrir et habiller un homme adulte : et cependant l’on voit les hommes, par dizaines et centaines de milles, s’en aller au Kansas et à Nebraska, dans l’Oregon et en Californie, pour s’approprier plus de terre, laissant derrière eux les sols les plus riches encore non drainés, et commençant l’œuvre de culture sur les terres plus élevées et plus sèches de l’ouest, loin de tout marché, et ne pouvant, dans les circonstances actuelles, fournir qu’une faible rémunération au travail[1].

L’homme a tendance naturelle à combiner ses travaux avec ceux de son semblable, sachant qu’à deux on roule un tronc qu’à soi seul on ne peut ni rouler ni soulever. Là, cependant, on voit les hommes s’éloigner de leurs semblables et chacun cherchant à rouler son propre tronc pour sa maison, car le soulever est une tâche qui dépasse ses forces. Le travail de chacun se perd ainsi sur la route, et se trouve dépensé sans profit à la fin de la journée.

L’homme a tendance naturelle à combiner sa hache avec la bêche de son voisin, prêtant l’une et empruntant l’autre ; là cependant l’homme à la hache s’éloigne de celui qui a une bêche.

Sa tendance naturelle est de commencer sur le sol maigre au flanc de la colline et de descendre jusqu’au sol riche qui est au pied, recueillant de l’engrais sur l’un afin d’enrichir l’autre ; mais là il s’éloigne des sols riches qu’il après de lui, pour aller chercher les sols pauvres qui sont au loin.

Sa tendance naturelle est de combiner avec ses voisins pour améliorer les anciennes routes ; mais là il s’éloigne à une distance qui nécessite l’application de son travail à en ouvrir de nouvelles, laissant les anciennes sans amélioration, d’où suit qu’il en a deux à entretenir au lieu d’une.

Sa tendance naturelle est de combiner avec ses voisins pour améliorer la nature de l’éducation dans les vieilles écoles ; mais là il s’éloigne de ses voisins pour aller dans des localités où il n’y a pas d’école et où il ne peut y en avoir que lorsque lui-même en construira.

  1. Voir précédemment, vol. I, p. 118, pour la nature des terres occupées par les récents stettlers d’Ohio et Indiana, Illinois et Missouri.