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en plus dépendant des chances du négoce et esclave de son semblable. Si les récoltes de l’ouest de l’Europe sont abondantes, il est ruiné : ce qui le conduit à souhaiter dans ses prières la sécheresse et la gelée et d’autres causes de dommages pour son semblable ; et le tout à cause de son inaptitude à décider lui-même comment il emploiera son travail et sa terre. Le commerce lui donnerait ce pouvoir et le mettrait à même de se réjouir de la prospérité de ses semblables ; mais le commerce aujourd’hui ne se développe nulle part en l’absence du système inauguré par le premier des hommes d’état modernes, Colbert.

Les différences de prix dans les diverses parties de l’empire sont énormes, — le seigle valant dans une localité moins qu’un rouble le tchetwert, tandis que, dans une autre, il se vend plus de 11 roubles, et le blé variant d’un peu plus de 2 à 13 roubles. Telle est la taxation à laquelle les producteurs sont encore exposés par suite de la nécessité de dépendre des marchés lointains ; mais le remède s’applique graduellement par la création de centres locaux—diminuant la nécessité d’aller au loin, tout en augmentant le pouvoir de construire de nouvelles et meilleures routes.

§ 10. — Accroissement d’individualité dans la population auquel correspond accroissement de puissance dans l’État.

Le système de centralisation que cherche à établir le peuple anglais requiert l’avilissement du prix du travail tant domestique qu’étranger, et tend partout à le produire. Moindre est le commerce domestique, plus augmente pour toutes les nations leur dépendance du peuple qui a navires et wagons ; et moins ils ont pouvoir de développer les ressources de leur sol, ou d’augmenter la quantité des denrées brutes qu’il faut transporter. Ceci conduit à s’efforcer de stimuler les diverses sociétés du globe à une concurrence entre elles pour la vente des denrées brutes sur le marché lointain, à leur grand préjudice, mais au bénéfice actuel, quoique seulement temporaire, du trafiquant lointain, qui de la sorte tue la poule pour avoir les œufs d’or. Plus il se pourra obtenir de laine d’Australie, plus le prix de celle de Russie ira s’abaissant ; plus il se peut obtenir de coton et de chanvre de l’Inde, plus tomberont les prix du chanvre de Russie et du coton d’Amérique ; et plus les agriculteurs des deux pays viendront à dépendre des chances du marché lointain, et des combinaisons qui s’y forment si facilement. De là suit que nous voyons chez les sociétés du monde purement agricoles une absence si entière du pouvoir de se gouverner