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commerce il y a déperdition de pouvoir physique, en même temps que les facultés intellectuelles restent à l’état latent et sans développement ; d’où suit la perte de la plus grande partie de force qui devrait résulter de la nourriture consommée. C’est par l’économie de force que le manufacturier habile réussit à triompher de ses rivaux, et c’est par une économie semblable que le pays dont la politique vise à produire l’association et le développement de commerce acquiert puissance et gagne considération parmi les nations du globe.

§ 6. — Accroissement de la concurrence pour acheter les services du travailleur, et accroissement de liberté pour l’homme.

Parmi les récents voyageurs en Russie, l’un des plus distingués est le baron Haxthausen, qui nous apprend que Moscou est devenu un grand siège d’industrie manufacturière, où les serfs sont transformés en ouvriers travaillant pour leur propre compte, et que dans cette cité affluent annuellement, en automne, de 80 à 90.000 individus pour vendre leurs services durant la période où ils cessent de pouvoir travailler aux champs. La condition et l’apparence de ces ouvriers, mis ainsi à même de vendre un travail qui, autrement, serait perdu, lui ont semblé plus satisfaisantes que celles des individus de condition semblable en Allemagne, en France et en Angleterre. Ainsi que M. Tegoborski, M. Haxthausen émet des doutes sur le système protecteur, comme tendant à élever les salaires du travail et à atténuer « ce lien patriarcal » qui jusqu’alors a existé entre le maître et ses serfs. — Mais puisque le commerce se développe par l’affaiblissement de ce lien, et puisque avec le développement de commerce les hommes s’enrichissent et la terre gagne en valeur, nous avons raison de regarder la tendance ainsi remarquée comme une preuve d’accroissement de richesse et de pouvoir.

Pour montrer à quel point la diversité d’emplois a agi sur l’augmentation de la demande du travail et sur sa rémunération, voici quelques faits glanés dans le livre de M. Haxthausen. Dans un endroit de son livre il donne, comme le salaire des femmes employées à tisser la toile fine, de 22 à 28 cents par jour — c’est à peu près l’équivalent du prix d’un boisseau de seigle. Ailleurs il établit que les hommes engagés à tisser des serviettes gagnent 2 roubles-papier, ou environ 60 cents par jour « Dans le gouvernement de Yaroslaf, le travail du paysan, dit-il, a une valeur pécuniaire plus haute, par suite de l’état florissant des manufactures. » À Ekaterinoslaf,