Le travail fourni ainsi est autant de gagné. — C’est tout autant de pouvoir qui se trouve de la sorte économisé. Quelle déperdition immense avait lieu, et combien était indispensable pour la Russie cette diversité d’emplois qui, seule, permet l’économie, voici un passage du livre de M. Tegoborski qui nous en fera juger.
« Dans des pays où le climat est tempéré et la population est dense, où il y a nombre de petites villes et où le négoce domestique est actif, le paysan, dont le travail aux champs dure depuis le commencement de mars jusqu’au mois de novembre, trouvera peu de difficulté à utiliser son temps durant les trois ou quatre mois d’hiver. Il peut charrier ses produits au marché ; il peut abattre et apporter le bois au logis ; il peut s’occuper d’engraisser son bétail ; il peut louer son travail comme transporteur de marchandises, ou s’engager dans quelque autre branche subsidiaire d’économie rurale. Chez nous ces ressources sont très-limitées[1], tandis que notre travail subit une interruption bien plus longue. Jugez quelle déperdition de forces productives, et quelle cause d’appauvrissement doivent résulter, si, dénués de toute industrie, sur les 60 millions d’âmes qui composent la population de la Russie d’Europe, plus de 50 millions doivent rester oisifs pendant les six ou sept mois que le travail des champs est suspendu. Pour éviter cette déperdition, nous sommes jetés sur nos ressources industrielles ; et c’est cette situation qui nous est propre, jointe à l’abondance et à la variété de nos produits et à l’intelligence naturelle et instinctive de notre population, qui a donné l’impulsion récente à notre industrie et lui a imprimé le cachet spécial et national qui la distingue. »
Dans ce passage se trouve le secret de la pauvreté de tous les pays de la terre qui ne sont simplement qu’agricoles. Sans diversité d’emplois il n’y a pas d’association possible, et là où il n’y a pas
- ↑ Tegoborski. Forces productives de la Russie. Vol. 1.
pas moins un beau produit du pays, parce que les plus jolis ont été tissus par des émigrants de la Croix-housse ou de la Guillotière, à qui de hauts salaires ont fait quitter leur patrie plus méridionale pour fonder l’industrie du grand Empire et initier les petits-fils des sauvages Mongols aux mystères exquis du goût et du talent français. Accordons que l’exposition offre infiniment plus qu’une belle preuve de la capacité moyenne du travail russe ; il n’en est pas moins vrai qu’un peuple qui, il y a cent ans, était sans fabriques, sinon de la sorte la plus grossière, est maintenant apte, par quelques moyens, à fournir une montre d’articles non surpassés, bien que le monde entier soit là pour concourir avec lui. » — Greeley.