Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 2.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour lui et ses compagnons. Il se sent lui-même un homme. Il a un enjeu dans le pays aussi bon que celui de la masse de ses voisins ; personne ne peut le menacer de le chasser ou de l’envoyer au Workhouse, tant qu’il est actif et économe. Aussi marche-t-il d’un pas fier, il vous regarde en face du regard d’un homme libre et cependant respectueux[1]. »

Il y a quatre-vingts ans l’électeur de Hesse vendait bon nombre de ses pauvres sujets au gouvernement d’Angleterre, pour l’aider à établir une domination illimitée sur notre pays, qui était alors les colonies américaines. Alors Frédéric de Prusse, entretenait partout des émissaires chargés de saisir de force les hommes ayant la taille d’ordonnance pour son régiment de grenadiers. La poursuite était si active qu’il était dangereux pour un homme de toute nation bien que libre, mais ayant six pieds, de se tenir à portée d’eux. Les peuples étaient esclaves, mal nourris, mal vêtus, mal logés, ayant pour chefs des tyrans. Les classes supérieures parlaient français, l’allemand passait pour une langue grossière et vulgaire, bonne seulement pour le serf. La littérature allemande n’en était qu’à s’efforcer d’éclore. On ne savait que bien peu des arts mécaniques, la population était presque toute entière agricole, et les instruments de culture étaient de l’espèce la plus primitive. Peu de commerce domestique ; celui du dehors, se bornait à l’exportation des produits bruts de la terre pour les échanger contre les objets de luxe de Londres et de Paris, demandés par les plus hautes classes de la société.

Quarante ans plus tard, la traite humaine fournissait des cargaisons à beaucoup, sinon à la totalité des vaisseaux qui passaient entre les États-Unis et Brème ou Hambourg. Hommes, femmes, enfants étaient achetés et vendus pour des baux de quelques années, à l’expiration desquels ils devenaient libres ; et nombre des hommes les plus honorables dans nos États du milieu sont descendus de ces allemands serviteurs « par contrat. » Aujourd’hui l’Allemagne marche en tête de l’Europe sous le rapport du développement intellectuel, et elle avance dans la condition physique et morale de sa population avec une rapidité plus grande que dans aucune partie de l’hémisphère oriental[2].

  1. Rural and Domestic Life in Germany, p. 27.
  2. Pour apprécier convenablement le progrès extraordinaire qui, dans les