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en usage, il y aura nécessairement déperdition, comme c’est le cas en Irlande. Le drap est là à bon marché, mais l’homme est à un prix tellement inférieur que non-seulement il va en haillons, mais qu’il meurt de faim, forcé qu’il est d’épuiser son champ et de perdre son travail. « Que gagnerait, demande M. Laing, la nation danoise si la petite partie de sa population qui ne vit que de l’agriculture, avait ses chemises et ses vestes et tous ses autres vêtements à moitié meilleur marché, et si la grande majorité qui aujourd’hui trouve un emploi l’hiver à fabriquer les matériaux de son habillement, moyennant le temps et le travail qui, pendant cette saison, n’ont aucune valeur pour elle, et ne peuvent entrer en compte, restait plongée dans l’inaction par l’effet de la concurrence des produits supérieurs et à meilleur marché des mécaniques et des ateliers[1] ? »

Rien. Le seul bénéfice que l’homme tire du perfectionnement de l’outillage de conversion, c’est d’être mis à même de donner plus de temps de travail et de pensée au développement des pouvoirs de la terre, la grande machine de production ; et en cela il ne peut y avoir d’amélioration sous un système qui vise à l’exportation des produits bruts, à l’envoi des constituants du sol au dehors, et à l’épuisement de la terre.

Le système danois tout entier tend à l’emploi sur place à la fois du travail et du capital, et par conséquent à l’augmentation de richesse, la division de la terre et l’amélioration des modes de culture. Comme une conséquence, il y a un accroissement large et soutenu de la proportion de terre tenue en petites fermes, appartenant aux paysans propriétaires, en même temps que parmi tout le corps agricole il existe un haut degré d’esprit d’entreprise, — qui favorise l’adoption de tous les perfectionnements modernes en agriculture et qui menace, dit M. Laing, d’une rivalité formidable « sur les marchés anglais, les vieux fermiers routiniers et besogneux de l’Angleterre et même nos grands fermiers améliorateurs d’Écosse. »

Il y a soixante-dix ans, les domaines et terres des nobles étaient cultivés par les serfs, tenus de travailler chaque jour sur la ferme principale du seigneur, qui pouvait les faire fouetter ou emprison-

  1. Denmark and the Duchies, p. 385. 2 Ibid., p. 52.