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fabricants de soieries et de rubans d’autre part ; et ajoutant ainsi au marché de ces derniers par l’accroissement de la demande pour les produits des premiers. Il y a parfaite harmonie des intérêts internationaux, et c’est une erreur des plus grandes que de supposer qu’une nation puisse d’une manière durable profiter aux dépens des autres.

§ 15. — Le système français tend à élargir la base agricole de société et par suite à affranchir l’homme. Le système anglais, visant à la resserrer, a donné naissance à la théorie de l’excès de population, qui est celle de l’esclavage et la mort.

Le système français vise spécialement à l’élargissement de la base agricole ; ses effets se manifestent dans une ferme diminution de la quote part du produit du travail allant à l’entretien des autres classes de la société, et dans une diminution qui s’ensuit dans le chiffre proportionnel de ces dernières, comparé à la masse qui compose la société. Le commerce est là, corrigeant graduellement avec efficacité, les maux résultant de la centralisation politique sous laquelle la France a si longtemps souffert.

Le système anglais, au contraire, vise au resserrement de la société ; et la grande-Bretagne présente aujourd’hui le spectacle d’une grande société qui repose entièrement sur les épaules de probablement moins d’un demi-million d’hommes, femmes et enfants, constamment en guerre contre ceux qui les emploient. » — Les premiers, désireux d’amener un état de choses dans lequel il soit reconnu qu’ils sont réellement les êtres humains décrits par Adam Smith, tandis que les derniers persistent, avec sir James Graham[1], à ne voir en eux que de purs instruments à l’usage du trafic. Ici, la société a déjà pris la forme d’une pyramide renversée[2].

  1. Voyez précédemment.
  2. On n’a jamais inventé système plus subversif de la félicité humaine et de la morale que celui dénoncé par le docteur Smith, — et parfaitement bien décrit dans les passages suivants d’un discours prononcé il y a quelques années à l’occasion d’une élection à Bradfort, dans le Yorkshire. — « Ce système est basé sur la concurrence étrangère. Maintenant j’affirme que le principe acheter bon marché, vendre cher, émis pour supporter la concurrence étrangère, doit amener la ruine des classes qui travaillent et font le petit commerce. Pourquoi ? Le travail est le créateur de toute richesse. Il faut le travail d’un homme avant que pousse un grain ou se tisse une aune d’étoffe. Mais là il n’y a pas le self-employment (l’emploi de soi-même) pour le travailleur dans ce pays. Le travail est une utilité louée, — le travail est une chose sur le marché, qui s’achète et se vend ; conséquemment, comme le travail crée toute richesse, le travail est la première chose achetée. » « Acheter bon marché, acheter bon marché ! Le travail s’achète sur le marché le plus bas ; mais maintenant vient le texte : « Vendre cher ! vendre cher 1 Vendre quoi ? Le produit du travail. À qui ? À l’étranger. » Oui ! et au travailleur lui-même, — car le travail n’étant pas employé de lui-même, le travailleur ne participe pas aux