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contre le travail de leurs semblables. Telle est la centralisation. C’est pourquoi nous voyons dans le Sud une tendance si prononcée à troubler ailleurs la puissance d’association. Telle a été l’origine de toutes les guerres de l’Union. La guerre tend à augmenter le nombre de machines humaines portant le mousquet et exigeant pour leur entretien la levée d’impôts considérables, qui seraient mieux appliqués à la construction de routes ou d’usines utiles à l’encouragement de l’esprit d’association.

La barbarie est une conséquence nécessaire de l’absence d’association. Dépouillé de la sociabilité, l’homme, perdant ses qualités distinctives, cesse d’être le sujet de la science sociale.

§ 2. — L’individualité de l’homme est proportionnée à la diversité de ses qualités et des emplois de son activité. La liberté de l’association développe l’individualité. Variété dans l’unité et repos dans la diversité. L’équilibre des mondes et des sociétés se maintient par un contre-poids.

La seconde qualité distinctive de l’homme est son individualité. Un rat, un rouge-gorge, un loup ou un renard sont chacun, partout où on les trouve, le type de leur espèce, possédant des habitudes et des instincts qui leur sont communs avec toute leur race. Il n’en est pas ainsi à l’égard de l’homme, chez lequel nous trouvons des différences de goûts, de sentiments et de facultés, presque aussi nombreuses que celles qu’on observe sur le visage humain.

Cependant, pour que ces différences se développent, il est indispensable que l’homme forme une association avec ses semblables, et partout où elle lui a été refusée, on ne peut pas plus constater l’individualité que si on la recherchait parmi les renards et les loups. Les sauvages de la Germanie et ceux de l’Inde diffèrent si peu qu’en lisant les récits qui concernent les premiers, nous croirions facilement lire ceux qui concernent les seconds. Si nous passons de ceux-ci à des formes plus humbles d’association, telles qu’elles existent parmi les tribus sauvages, nous trouvons une tendance croissante au développement des variétés du caractère individuel ; mais si nous voulons trouver ce développement élevé à son plus haut point, nous devons le chercher dans les lieux où l’on fait les appels les plus multipliés aux efforts intellectuels, où il y a la plus grande variété de travaux ; dans les lieux où, conséquemment, la puissance d’association existe à son état le plus parfait, c’est-à-dire dans les bourgs et les villes. Un tel fait est complètement d’accord avec ce qui s’observe partout ailleurs.

« Plus un être est imparfait, dit Goëthe, plus les parties indi-