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que M. Comte appelle ordinairement l’état métaphysique, et elle continuera à y demeurer, jusqu’au jour où ceux qui l’enseignent ouvriront les yeux pour reconnaître ce fait, qu’il n’existe qu’un système de lois destiné à régir toute la matière, sous quelque forme que celle-ci se présente ; charbon de terre, arbre, cheval ou homme, et qu’il n’y a également qu’une manière d’en étudier toutes les divisions. « La feuille, dit un écrivain moderne, est à la plante ce qu’un petit monde est au vaste univers, la plante en miniature ; une loi commune les régit toutes deux, et conséquemment toutes les dispositions que nous trouvons dans les parties dont se compose la feuille, nous devons nous attendre à les retrouver dans les parties de la plante, et vice versa. » Il en est de même de l’arbre de la science avec ses nombreuses branches ; ce qui est vrai de sa racine ne peut être qu’également vrai de ses feuilles et de son fruit. Les lois de la science physique sont également celles de la science sociale ; à chaque effort que nous tentons pour découvrir la première, nous ne faisons que nous frayer la route pour découvrir la dernière. « Les générations successives de l’espèce humaine, dit Pascal, à travers le cours des âges, doivent être regardées comme un seul homme, vivant toujours et apprenant sans cesse. » Et parmi les hommes qui ont le plus largement contribué à la fondation d’une véritable science sociale, il faut ranger les maîtres éminents auxquels nous avons de si grandes obligations pour le merveilleux développement de la physique, de la chimie et de la physiologie dans les siècles passés et de nos jours.

L’homme moderne est donc celui qui possède le plus de cette connaissance des actes sociaux, nécessaire pour comprendre les causes des effets si variés enregistrés dans les pages de l’histoire, et pour prédire ceux qui résulteront dans l’avenir des causes existant aujourd’hui. L’homme des premiers âges du monde ne possédait guère de la science que l’instrument nécessaire pour l’acquérir, et ce qu’il en acquérait était d’un caractère purement physique et très-limité dans ses proportions. L’homme de nos jours n’est pas seulement en possession de la science physique, et dans une proportion prodigieuse si on la compare à celle qui existait il y a un siècle ; mais il y a ajouté les sciences chimique et physiologique qui, alors, étaient à peine connues, et il a prouvé que les lois qui régissent les premières et en même temps les plus abstraites, sont également