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physique et intellectuelle de la société étant, dans le dernier cas, consacrée à opérer ces changements vitaux dans les formes de la matière qui se résolvent en une augmentation des denrées à consommer, tandis qu’il ne faut qu’une petite portion de cette puissance pour opérer les changements de lieu, de forme ou de propriété des choses produites. A chaque phase de progrès, l’agriculture devient de plus en plus une science, les individus employés à développer les ressources de la terre s’élèvent dans l’échelle des êtres, les diverses utilités de la matière sont de plus en plus mises en activité ; des centres locaux sont créés, les subsistances et les moyens de se vêtir s’obtiennent de plus en plus avec facilité, et l’homme devient plus heureux et plus libre. A chaque progrès qui s’accomplit, l’intelligence est de plus en plus provoquée à l’action, les sentiments et les affections se développent davantage, et d’année en année, l’homme devient plus propre à occuper la place à laquelle il a été destiné, celle de maître de la nature et de lui-même.

Tels sont, sous l’empire d’un système naturel, les résultats d’un accroissement de population. Chaque page de l’histoire des nations en progrès démontre qu’il en est ainsi. Si Malthus a représenté sous un faux jour l’action du Créateur, s’il a fait, de l’esclavage, et non de la liberté, la condition finale de l’espèce humaine, il faut l’attribuer à ce fait qu’il vivait au milieu d’un système artificiel, dont la tendance à produire l’asservissement de l’homme, se démontre plus clairement chaque jour[1].

  1. Dans un débat récent, à la Chambre des communes, il a été constaté que dans les établissements de blanchiment de toiles de l’Angleterre et de l’Écosse ; les hommes, les femmes et les enfants étaient obligés de travailler, de seize à vingt heures par jour, et sous l’influence d’une température tellement élevée que très-souvent « les clous du parquet s’échauffaient et faisaient venir des ampoules aux pieds des individus employés dans les chambres, appelées ordinairement chambres de mortalité à raison de la mortalité exorbitante à laquelle elles donnent lieu. » Pour remédier à de pareils maux et protéger les travailleurs, particulièrement ceux auxquels leur âge, encore tendre, ne permet pas de se protéger eux-mêmes, et dont l’existence aujourd’hui, ainsi que l’a dit un des orateurs, « est dépensée absolument comme celle des bestiaux sur une ferme, » on proposa de restreindre le nombre des heures de travail ; mais le bill formulé à cet effet fut rejeté, après un discours de sir James Graham, discours dans lequel, ainsi que le verra le lecteur, le travailleur est regardé comme un pur instrument, que le trafic doit mettre en œuvre.
      « Il est admis que l’industrie du blanchisseur de toiles est exposée à la plus rude