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Appréciant pleinement les avantages pécuniaires et politiques, moraux et sociaux, résultant du commerce, Smith vit clairement qu’il prenait des accroissements à mesure que diminuait la nécessité d’avoir recours aux services de l’individu chargé du transport, à mesure que les individus occupés d’effectuer les changements mécaniques et chimiques dans la forme de la matière, nécessaires pour l’approprier à la consommation de l’homme, se rapprochaient de plus en plus de ceux qui s’occupaient de développer les trésors de la terre et d’augmenter la quantité de matières premières à transformer, et que chaque pas dans cette direction était suivi d’une diminution dans la valeur des denrées, et d’un accroissement de la valeur et de la liberté humaines[1].

§ 9. — Lois des proportions définies, manifestée dans les changements graduels de la répartition sociétaire.

Le lecteur peut maintenant comprendre facilement la simple et magnifique loi, en vertu de laquelle la société tend graduellement à revêtir la forme que nous avons décrite dans un chapitre précédent[2].

Parmi les Sauvages, le prix de la matière première est peu élevé, tandis que les produits fabriqués sont chers. Parmi les hommes civilisés, c’est le contraire qui est vrai, les matières premières sont chères et les produits fabriqués à bon marché. Les premiers donnent des peaux de bêtes qui leur ont coûté des journées de travail, en échange de couteaux, produits par un travail d’à peine quel-

  1. Dans les notes de son édition de la Richesse des nations, M. Mac Culloch dit à ses lecteurs « qu’il serait inexcusable de leur faire perdre leur temps en cherchant à prouver par des arguments l’avantage d’avoir les subsistances à bon marché. » Faciliter la production, continue-t-il, « et faire en sorte que les denrées soient à meilleur marché et s’obtiennent plus facilement, ce sont là les principaux motifs qui stimulent les facultés inventives et conduisent à la découverte et aux perfectionnements des machines et des procédés pour épargner le travail et diminuer le prix, p. 520. Les mots prix et coût sont traités ici comme s’ils se rapportaient à la même idée ; tandis que l’un se rapporte à la valeur du blé en argent, et l’autre à sa valeur, lorsqu’on mesure celle-ci par le travail. C’est précisément à mesure que les facultés inventives sont stimulées, que le premier s’élève, ainsi qu’on peut le constater en comparant la Pologne avec la France, ou l’Angleterre sous Georges I, avec la même Angleterre sous Georges III, C’est alors, conséquemment, que le second baisse, ainsi qu’on peut le voir en comparant la France d’aujourd’hui avec la France du temps de Louis XV, ou l’Angleterre actuelle avec l’Angleterre sous les Plantagenets. Plus sont nombreux les découvertes et les « perfectionnements des machines, moins sera considérable le coût des subsistances, plus sera grande la tendance à une hausse du prix et plus sera rapide le progrès dans le condition de l’homme. »
  2. Voy. plus haut, § 10, chap. viii, p. 253.