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son remède, que si nous nous opposons au châtiment (lorsqu’il n’aboutit pas positivement à la mort), nous perpétuons le péché[1]. »

§ 8. — Dissidences entre Adam Smith et les économistes Anglais modernes.

Adam Smith ne connaissait en aucune façon « la science sinistre » que nous venons de décrire. Ayant complètement foi dans les avantages du commerce, il tenait en grand dédain le système basé sur l’idée de transformer une nation entière en une masse d’individus, simples trafiquants des produits des autres pays. Croyant « que la seule chose nécessaire était, évidemment, que la terre donnât le plus grand excédant possible, » il favorisait sa division parce que « les petites fermes, » ainsi qu’il le voyait bien, « pouvaient fournir un plus grand excédant que des portions semblables d’une ferme plus considérable, » et parce que ses yeux n’avaient pas aperçu ce fait imaginaire, que l’immobilisation de la propriété foncière « élève généralement le niveau de l’aisance » et ajoute une nouvelle force aux ressorts qui mettent l’industrie en mouvement[2]. » Si cette idée lui fût venue, il eût probablement recherché comment il était arrivé que dans tous les autres pays cette immobilisation avait été accompagnée de la dépopulation, de l’esclavage, et de la mort politique et morale.

Fermement convaincu de l’égalité des droits pour tout individu, il était aussi peu capable d’apercevoir la justice des mesures prohibitives du commerce appliquées aux colonies[3], qu’il le serait aujourd’hui de découvrir la convenance ou l’avantage, pour l’Angle-

  1. Revue d’Édimbourg. Octobre 1849.
  2. Mac Culloch. Principes d’économie politique, trad. par Auguste Planche, tom : I, chap. x, p. 309.
  3. « Fonder un vaste empire dans la vue seulement de créer un peuple d’acheteurs et de chalands, semble, au premier coup d’œil, un projet qui ne peut convenir qu’à une nation de boutiquiers. C’est cependant un projet qui accommoderait extrêmement mal une nation toute composée de gens de boutique, mais qui convient parfaitement bien à une nation dont le gouvernement est sous l’influence des boutiquiers. » (Richesse des nations, traduction du comte Germain Garnier, tome II, chap. vii, p.243). A l’égard des mesures qui ont été adoptées pour mettre en pratique cette idée, et pour exalter le trafic aux dépens du commerce. Smith a exprimé son opinion dans les termes suivants : « Empêcher un grand peuple de tirer tout le parti qu’il peut de chacune de ses propres productions, ou d’employer ses capitaux et son industrie de la manière qu’il croit lui être la plus avantageuse, c’est une violation manifeste des droits les plus sacrés de l’espèce humaine. » (Ibid p. 202).