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à l’état de barbarie dont elle sortait ; et conséquemment, c’était une théorie rétrograde, nécessaire pour permettre aux individus qui cherchaient à en profiter, d’expliquer les maladies dont elle-même était la cause. Malthus et Ricardo fournirent cette théorie, qui nous offrit des lois divines, au moyen desquelles on nous rendait compte des famines, des pestes et de l’esclavage, qui n’étaient que le résultat inévitable de la conduite déraisonnable de l’homme.

Telle fut l’origine de cette économie politique moderne qui répudie si complètement les idées d’Adam Smith, et trouve dans le trafic un équivalent du commerce. Rétrograde de tout point, elle exige que nous ignorions immédiatement et à jamais l’existence d’une Divinité qui n’est que sagesse et bienveillance, et que nous mettions notre confiance dans un Être qui a établi les grandes lois naturelles, en vertu desquelles les hommes doivent nécessairement et « régulièrement mourir de besoin. »

Rétrograde sur tous les points, cette théorie enseigne :

Que, dans les premiers âges de la société, lorsqu’on s’est procuré les premiers instruments misérables à l’aide desquels ou peut travailler, les hommes sont en état de forcer la terre à récompenser plus largement leurs travaux ; mais qu’aussitôt « qu’ils se sont adonnés à la culture avec une certaine énergie et qu’ils ont appliqué à cette culture des instruments passables[1], » il survient une nouvelle loi en vertu de laquelle la récompense du travail devient plus faible chaque année.

Que, bien que le progrès dans la voie de la civilisation ait été partout signalé par un accroissement dans la puissance de l’homme sur la matière, il existe des causes « fixes et permanentes » pour que la matière, partout et en toute circonstance, obtienne un pouvoir plus considérable sur l’homme.

Que, bien que la valeur de l’homme ait augmenté partout, à mesure que la valeur des denrées nécessaires à ses besoins a diminué, la véritable route du progrès doit se trouver dans une seule direction ; à savoir l’emploi plus fréquent des navires et des charrois, par la raison que leur emploi donne le plus grand accroissement à la valeur de ces denrées.

Que, bien que les hommes soient devenus partout plus libres, à

  1. John Stuart Mill. Principes d’économie politique, trad. par Dussard et Courcelle-Seneuil, tome I, chap xii, p. 203.