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qu’il partage avec les anges. Telle est la marche adoptée par l’économie politique moderne, qui non-seulement ne sent pas le souffle de l’esprit, mais qui ignore l’existence de l’esprit même et que l’on voit par conséquent définir, ce qu’il lui plaît d’appeler le taux naturel du salaire « le prix nécessaire pour permettre aux travailleurs, l’un dans l’autre, de subsister et de perpétuer leur espèce, sans augmentation ou diminution[1], » en d’autres termes le prix qui permettra à quelques-uns de s’enrichir et de voir leur espèce s’accroître, tandis que d’autres, exposés à tous les dangers, meurent de faim ou de soif. Tels sont les enseignements d’un système qui a conquis légitimement le nom de science sinistre, science dont l’étude a conduit Sismondi à poser cette question : « La richesse est-elle donc tout, et l’homme n’est-il donc absolument rien ? » Aux yeux de l’économie politique moderne, il n’est rien et ne peut être rien, puisqu’elle ne tient pas compte des qualités par lesquelles il se distingue de la brute, et qu’elle est amenée, conséquemment, à le regarder simplement comme un instrument à employer par le capital, afin de permettre au possesseur de ce capital d’obtenir une compensation pour l’usage qu’il en fait !

« Plusieurs économistes, a dit un économiste français distingué, choqué du caractère matérialiste donné à ce qu’on a appelé la science économique, s’expriment en des termes qui feraient croire que les hommes ont été faits pour les produits, et non les produits pour les hommes[2]. » Et c’est à une semblable conclusion que doivent arriver tous ceux qui commencent par la méthode de l’analyse, et finissent par l’exclusion de toutes les qualités élevées et distinctives de l’homme.

§ 6. — Toutes les sciences et toutes leurs méthodes se trouvent comprises dans la Sociologie. L’analyse conduit à la synthèse. La science est une et indivisible. Les relations économiques des hommes exigent des formules mathématiques pour les convertir en vérités systématiques. Les lois de la société ne sont pas établies d’une manière fixe. Les termes employés par les théoriciens ne sont pas suffisamment définis et sont équivoques.

Avec le progrès des connaissances, nous arrivons à passer graduellement du composé au simple, de ce qui est abstrait et épineux, à ce qui est clair et ce qui s’apprend facilement. Grâce à Descartes, nous sommes assurés que « toutes les idées simples sont vraies » et nous pouvons retrouver partout l’évidence de ce fait dans la magnifique simplicité et l’étendue merveilleuse des propositions de la science, propositions qui sont elles-mêmes le résultat d’une longue induction, conduisant à la connaissance de grandes

  1. Ricardo
  2. Droz. Économie politique.