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plus il y a de tendance à ce que chaque partie arrive à son complet développement, et plus l’action de l’ensemble est harmonieuse. Plus la circulation est languissante, plus le corps est exposé à la maladie et à la mort. Il en est de même à l’égard des corps sociaux. Le mouvement rapide de circulation en Grèce se révéla dans la création de nombreux centres locaux, et dans l’existence de l’esprit d’association appliqué à tous les buts utiles inconnus jusqu’alors ; mais lorsque, plus tard, Athènes s’établit comme centre unique d’un ensemble de villes soumises à sa domination, la rapidité du mouvement de circulation diminua, et bien que la grande cité devînt de jour en jour plus splendide, sa splendeur ne fit que témoigner le développement de la servitude, cause d’une maladie sociale qui devait aboutir à la mort.

Dans les temps anciens, les îles Britanniques offraient aux regards de nombreux centres locaux, tels que Londres, Édimbourg et Dublin, sièges des Parlements de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’Irlande, en même temps que des autorités locales, dans l’étendue des divers royaumes, dirigeaient les affaires des divers comtés entre lesquels ils se divisaient, et des villes et des bourgs nombreux répandus sur leur surface. Ces centres locaux ont disparu successivement ; depuis longtemps Édimbourg et Dublin ne sont plus que des villes de province, et les villes moins importantes ont vu la direction de leurs affaires passer peu à peu entre les mains des commissaires du gouvernement, dirigeant toutes les opérations locales, du sein du Parlement unique d’un royaume immobilisé.

Cette législature centrale, étant chargée, ainsi qu’elle l’est d’abord, de la décision des questions qui affectent d’une façon vitale les intérêts de milliers d’individus dans l’Inde, puis d’autres questions d’une haute importance pour les populations du Canada, de l’Australie ou des îles Ioniennes, et enfin du règlement des hôtels garnis et du prix des courses de fiacre de Londres, ou de l’entretien des égouts des villes et villages dans toute l’étendue du royaume, il n’y a guère lieu d’être surpris qu’aujourd’hui la législation, ainsi qu’on nous l’apprend, « entraîne avec elle un labeur si pénible que beaucoup de personnes, parfaitement capables sous d’autres rapports de remplir leurs fonctions au sein du Parlement, ne peuvent ni ne veulent l’entreprendre[1]. »

  1. « Nos législateurs sont obligés de passer la moitié de leur temps à débrouiller