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l’excès de population, théorie de la centralisation, de l’esclavage et de la mort, ait pris naissance dans le pays qui a engendré un pareil système.

Quiconque étudie l’histoire de l’Inde éprouve un sentiment pénible en lisant le récit de l’invasion de Nadir-Shah, qui se termina, ainsi qu’on le sait, par le pillage de Delhi, la destruction de ses édifices et le massacre de cent mille de ses habitants ; et cependant, combien était complètement insignifiante la perte causée en cette circonstance, comparée avec celle qui résulta de l’anéantissement d’une manufacture qui seulement depuis un demi-siècle donnait du travail à la population de « provinces entières, » une manufacture dont les progrès dans leur histoire n’embrassaient « pas moins que la vie de la moitié des habitants de l’Hindoustan. » Cette perte était complètement insignifiante, comparée avec la déperdition de capital, à chaque jour et à chaque moment, résultant alors de l’absence totale de la demande des efforts physiques et intellectuels accompagnée de la décadence et de l’anéantissement du commerce, de la ruine de Dacca et d’autres villes renommées et florissantes, de l’abandon de terres fertiles, de l’épuisement incessant du sol, du

    et immoraux. On m’a assuré, dans le Lancashire, d’après les meilleures autorités, que dans une ville manufacturière et qui n’est guère que de troisième ordre sous le rapport de son étendue et de sa population, il existe soixante tavernes où les prostituées sont entretenues par les maîtres de la taverne pour attirer les chalands. On ne peut exagérer leur influence démoralisatrice sur la population ; et pourtant ce sont là pour ainsi dire les seuls lieux de rendez-vous des ouvriers, lorsqu’ils cherchent le plaisir ou le délassement.
      » Dans les tavernes où les prostituées ne se tiennent pas positivement pour attirer les chalands, on les trouve toujours dans la soirée, au moment où les ouvriers y viennent pour boire. À Londres et dans le comté de Lancastre, les palais du Gin servent régulièrement de rendez-vous aux individus les plus dépravés des deux sexes ; ce sont les lieux où l’espèce la plus dégradée des femmes publiques vient chercher des clients. Il est bien évident que de jeunes hommes, qui commencent une fois à rencontrer leurs amis en de pareils endroits, ne peuvent longtemps échapper à la dégradation morale de ces serres chaudes du vice.
      » La différence singulière et remarquable entre la condition respective des paysans et des ouvriers de l’Allemagne et de la Suisse, et de celle des paysans et des ouvriers de l’Angleterre et de l’Irlande, suffit seule pour prouver la différence singulière qui existe entre leurs conditions sociales respectives. L’auberge de village en Allemagne diffère complétement de l’auberge de village en Angleterre. En Allemagne elle est destinée moins à boire simplement qu’à servir de lieu de rendez-vous et de conversation ; c’est pour ainsi dire le club du village. » (Kay. Condition sociale de la population de l’Angleterre et de l’Europe, t. I, p. 232).