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Aucun peuple cependant n’a suivi cette marche aussi constamment que le peuple anglais, le seul dont le système a cherché, de tout point, à favoriser les intérêts du trafiquant, et le seul peuple aussi qui maintenant proclame, comme son principe souverain, la devise du trafiquant : achète sur le marché où les produits sont à plus bas prix, et vend sur le marché où ils s’achètent au prix le plus élevé. Aucun peuple ne s’est livré au trafic aussi systématiquement ; aucun n’a autant opprimé le commerce. Prohibant l’association là où elle n’existait pas encore, et l’anéantissant là où elle existait, on peut constater les résultats produits, en considérant cette réduction au niveau uniforme de simples cultivateurs de la terre, de la population de toutes les sociétés soumises à son système, et la décadence et la ruine des sociétés elles-mêmes, ainsi qu’elles se révèlent dans les cas divers que nous avons cités plus haut. Dans toutes ces sociétés il y a, chaque année, diminution de ces diversités dans les travaux de la société, nécessaires pour le développement des facultés intellectuelles et la perfection de l’organisation. Dans toutes, la société devient, d’année en année, plus imparfaite et obéit davantage à la force de gravitation[1]. Dans toutes il y a, chaque année, accroissement de la centralisation ; et la centralisation, l’esclavage et la mort marchent toujours de conserve ; dans toutes, la difficulté de se procurer les subsistances augmente constamment, et dans toutes, conséquemment, trouve appui cette idée, que la population tend à s’accroître plus rapidement que les subsistances pour l’entretien de l’homme. Ce ne sont là pourtant que les conséquences qui, dans l’état d’immoralité des nations, actuellement existant, doivent résulter partout de la liberté complète de relations commerciales entre une société forte et développée convenablement d’une part, et de l’autre, une société faible et imparfaite[2].

  1. « Plus un corps est imparfait, dit Goëthe, plus les parties qui le composent ressemblent au tout. » Dans une société purement agricole, toutes les parties sont exactement semblables, et le tout n’est qu’une des parties amplifiée.
  2. L’auteur des passages cités ci-dessous, bien qu’il soit en dissidence considérable avec nous relativement à des questions très-importantes, s’est trouvé forcé, en ohservant certains faits qui se sont passés dans nos États du sud, d’adopter les idées que nous avons exprimées antérieurement :
      « Sous l’influence du système de libre-échange, un sol fertile, avec de bonnes routes et des rivières navigables comme moyens d’écoulement, devient le plus