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jouissances des individus qui avaient de l’argent à dépenser. » Maintenant, toutefois, un changement semblait imminent, et il était à craindre que la prospérité de l’Angleterre, fondée, ainsi qu’elle l’avait été, sur le bon marché du travail irlandais, ne se trouvât interrompue, la famine et la peste, les évictions et l’émigration, éclaircissant la population de ces mêmes Celtes qui avaient si longtemps, disait-on, formé « cette masse stagnante » d’une population sans ouvrage, grâce à laquelle le capital anglais avait obtenu une domination si complète sur le travail de l’Angleterre.

C’est à l’état de stagnation résultant de l’absence de diversité dans les travaux, parmi les différentes parties de la société, qu’il faut attribuer tous ces effets. Le système tout entier tend à isoler le consommateur du producteur, et à augmenter au plus haut degré l’impôt inhérent à la nécessité d’effectuer des changements de lieu ; et c’est à lui que sont dus l’épuisement de l’Irlande, la ruine de ses propriétaires terriens, la misère de sa population affamée et la dégradation du pays qui a fourni au Continent non-seulement ses meilleurs soldats, et à l’Empire ses ouvriers les plus actifs et les plus intelligents, mais encore des hommes tels que les Burke, les Grattan, les Sheridan et les Wellington. Cependant les journaux anglais se félicitent de voir disparaître peu à peu la population indigène, et trouvent dans « la disparition de la race celtique, dans la proportion d’un quart de million d’individus par an, un remède plus sûr pour le mal invétéré de l’Irlande qu’aucun autre que pourrait avoir imaginé l’esprit humain. » Le mal dont nous parlons ici, c’est l’absence complète de la demande du travail, résultant de cette malheureuse détermination prise par le peuple anglais de détruire la puissance d’association dans le monde. Le remède infaillible au mal se trouve dans les pestes, les famines et l’expatriation, résultats nécessaires de l’épuisement du sol, qui suit l’exportation de ses produits à leur état le plus grossier. On n’imaginerait guère une confirmation plus énergique du caractère funeste d’un tel système pour le peuple anglais lui-même, que celle qui se trouve renfermée dans le paragraphe suivant :

« Lorsque le Celte a traversé l’Océan, il commence pour la première fois de sa vie, à consommer les produits de l’Angleterre et à contribuer indirectement au revenu de ses douanes. Nous verrons peut-être arriver le jour où le principal produit de l’Ir-