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lesquels le trafic était recherché avec le plus d’ardeur ; et cependant où sont aujourd’hui ces acheteurs et que sont-ils ? La cause de guerres, de difficultés et de dépenses de toute sorte : pauvres par eux-mêmes, négligés et dédaignés par toutes les autres nations et plus particulièrement par l’Angleterre elle-même. Contraints de suivre un système qui anéantissait le commerce parmi eux, ils sont devenus de plus en plus, et d’année en année, de purs instruments que le trafic met en œuvre, jusqu’à ce qu’enfin ils ont cessé complètement d’inspirer aucun respect parmi les sociétés répandues sur le globe. Telle est la cause réelle de la décadence et de la chute de l’empire turc, dont la puissance serait aujourd’hui plus considérable qu’elle n’a jamais été, si sa politique eût été dirigée vers le développement des facultés latentes de sa population et de son sol, ainsi que vers l’encouragement du commerce.

A mesure que le Portugal, la Turquie et la Jamaïque sont devenues plus complètement dépendantes du trafic, il y a eu diminution dans leur pouvoir de consommer les produits du travail et de l’industrie britanniques ; et c’est ainsi que de nos jours, on a vu se reproduire la fable d’Ésope de la poule aux œufs d’or. De là vient qu’en même temps que nous avons eu occasion, d’un côté, de constater la décadence dans tous les pays étrangers où le commerce était sacrifié au trafic, nous avons vu, de l’autre, le développement prodigieux du paupérisme en Angleterre ; c’est là ce qui a enfanté la doctrine de l’excès de population et conduit à cette croyance, que les nécessités du trafic exigent que le travail soit à bon marché, afin que le capital puisse commander ses services ; ou en d’autres termes, que l’homme doit être asservi pour permettre au trafic de s’enrichir. Telle est la morale de cette économie politique moderne qui ignore l’existence de toutes les qualités distinctives de l’homme, et se borne à tenir compte des qualités physiques qui lui sont communes avec le bœuf, le cheval et les autres animaux. La science réelle — nous dirigeant dans une voie tout opposée — nous permet de trouver, à chaque page de l’histoire, la confirmation de cette proposition : que dans le monde moral ainsi que dans le monde physique l’esclavage et la mort se donnent constamment la main ; et que cette vérité s’applique aussi bien aux nations qui exercent la puissance, qu’à celles qui la subissent.