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d’effectuer des changements de lieu. Les routes et les ponts pouvaient alors être bien entretenus ; et à mesure qu’il devint de plus en plus nécessaire de transporter les produits encombrants de la terre au marché éloigné, le besoin de routes augmenta ; mais le pouvoir de les entretenir diminua ; résultat toujours inévitable du sacrifice du commerce sur l’autel du trafic. « L’augmentation des frais de transport, dit un voyageur moderne, a permis à un petit nombre de capitalistes de monopoliser tout le trafic sur tous les articles d’exportation ; la conséquence de ce fait, c’est-à-dire la ruine des propriétaires terriens et des agriculteurs, ne tarda pas à se produire, des familles entières furent réduites à la pauvreté et des villages cessèrent d’exister ; en même temps que dans un grand nombre de districts fort étendus, toute la population rurale abandonna la culture du sol natal pour émigrer vers les villes commerciales les plus rapprochées[1]. » C’est ainsi qu’à mesure que la dépendance du marché éloigné augmente, la faculté de s’y rendre diminue, tandis qu’à mesure que cette dépendance diminue, la faculté d’avoir recours à ce même marché augmente dans une proportion également constante. Dans le premier cas, la nature obtient constamment un pouvoir plus considérable sur l’homme, tandis que dans le second il obtient, aussi constamment, le pouvoir sur la nature. Dans le premier cas, l’utilité diminue et la valeur des denrées augmente, tandis que dans le second, les utilités augmentent et la valeur diminue. Dans le premier cas, l’homme devient de jour en jour plus esclave, tandis que dans le second il devient plus libre.

« Aucune amélioration, nous apprend le même auteur, ne peut être tentée aujourd’hui que dans le voisinage des grandes villes (qui offrent un marché constant et immédiat pour toute espèce de produits agricoles) » ou, en d’autres termes, des parties du pays où le commerce existe encore. On ne peut espérer rien de semblable dans ces districts, hors desquels « les articles même les plus lourds doivent être transportés par des chevaux de charge » avec des frais pour le transport, « qui ont augmenté constamment pendant ces dernières années ; ce qui a fait diminuer la culture et l’exportation de plusieurs denrées, particulièrement adaptées au

  1. Blackwood’s Magazine, décembre 1851.