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ceux qui fréquentaient les marchés de l’Occident. Un peu plus tard, son gouvernement s’unit à ceux de France et d’Angleterre par un traité, en vertu duquel il s’engagea à ne pas frapper leurs importations d’un droit supérieur à 3 pour % ; et comme leurs navires, aux termes de ce même traité, étaient affranchis de tous frais de port, le système ainsi établi était, en réalité, celui de la liberté commerciale la plus absolue et la plus complète.

Pendant plus d’un siècle après, la Turquie fut encore capable de soutenir la concurrence avec les manufactures de l’Occident et de conserver parmi ses sujets la puissance et l’habitude de l’association. «   Ambelakaia, dit M. Beaujour, approvisionna l’industrieuse Allemagne, non par la perfection de ses métiers à filer le coton, mais par le travail de ses quenouilles et de ses fuseaux. Elle enseigna à Montpellier l’art de la teinture, non pas avec le secours des professeurs de chimie expérimentale, mais parce que l’art de la teinture était pour elle une industrie domestique et qui s’étudiait, pour ainsi dire, chaque jour sur les fourneaux de chaque cuisine. Par la simplicité et la loyauté, mais non par la science de son système, elle a donné au monde une leçon d’association commerciale ; elle a donné l’exemple sans pareil, dans l’histoire commerciale de l’Europe, d’une compagnie de capital et de travail tout ensemble, administrée avec habileté, économie, succès, et dans laquelle les intérêts du travail et du capital furent longtemps également représentés. Et cependant le système d’administration, auquel tous ces faits se relient, est commun aux nombreux hameaux de la Thessalie qui ne sont pas sortis de leur obscurité ; mais pendant vingt ans Ambelakaia fut laissée parfaitement tranquille[1]. »

Les revenus que l’on tirait des douanes ayant cessé d’être perçus, tout le vide que le traité avait créé avait besoin, naturellement, d’être comblé, au moyen de l’impôt direct ; et, en conséquence, le gouvernement a, depuis cette époque, jusqu’à nos jours, reposé entièrement sur les impôts de capitation, les impôts sur les maisons et les terres, ce dernier perçu d’abord sous la forme d’une taxe sur la terre elle-même, et, en second lieu sous la forme de

  1. Tableau commercial de la Grèce, par le baron Félix de Beaujour, cité par Urquhart. Ressources de la Turquie, etc, trad. de l’anglais par Xavier Raymond, Paris, Arthus Bertrand, 1836, ? vol. in-8o, t. II, 1re partie, p. 100-101.