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A chaque page de l’histoire du monde, on peut voir que l’artisan a toujours été l’allié de l’agriculteur, dans sa lutte contre le trafiquant et contre l’État. Le premier de ceux-ci désire le taxer en achetant bon marché et vendant cher. Le second le taxe pour lui faire payer le privilège d’entretenir le commerce ; et plus le lieu d’échange est éloigné, plus est considérable la puissance de taxation. Lorsque l’artisan se rapproche de l’agriculteur, les matières premières sont transformées sur place, et ne se trouvent soumises à aucune taxe pour l’entretien des armateurs, des négociants-commissionnaires ou des boutiquiers, et, dans ce cas, le commerce se développe avec une grande rapidité.

Dans une pièce de drap, dit Adam Smith, pesant 80 livres, il y a non-seulement plus de 80 livres de laine, mais encore « plusieurs milliers pesant de blé, qui ont servi à entretenir les ouvriers ; » et ce sont la laine et le blé qui voyagent à bon marché sous la forme de drap. Que devient donc finalement le blé ? Bien que consommé, il n’est pas anéanti ; comme il est restitué à la terre, et qu’il rembourse la dette de l’individu dont le travail l’avait produit, la terre elle-même s’enrichit, les récoltes deviennent plus abondantes, et le fermier peut plus souvent avoir recours aux services de l’artisan. La récompense des efforts de l’homme, augmentant avec la valeur de la terre, tous deviennent à la fois riches et libres ; et c’est pourquoi les intérêts de tous les membres d’une société sont aussi étroitement liés à l’adoption d’un système ayant pour but d’accroître le commerce et la valeur de la terre. Plus est complète la puissance d’association entre les individus, plus sera considérable le développement des facultés individuelles ; moins le sera la puissance du trafiquant, et plus s’accroîtra la liberté de l’homme.

Le système colonial que nous avons retracé plus haut, — visant à produire des résultats directement opposés à ceux-ci, empêchait l’association, parce qu’il confinait toute la population dans un travail unique. Il empêchait l’immigration des artisans, l’accroissement des villes ou l’établissement d’écoles ; et, conséquemment, il empêchait le développement de l’intelligence parmi les travailleurs ou leurs maîtres. Il empêchait l’accroissement de la population, en contraignant les femmes et les enfants de cultiver la canne à sucre, au milieu des terrains à la fois les plus riches et