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besoin pour lui et son premier désir, c’est de s’associer avec ses semblables, et l’obstacle, à la satisfaction de ce désir, se trouve dans la nécessité d’effectuer les changements de lieu. Pauvre et faible, le colon primitif, hors d’état de se procurer une hache, une bêche ou une charrue, est forcé de cultiver les sols les plus ingrats, qui lui donnent la subsistance en si petite quantité qu’il doit nécessairement rester isolé des autres hommes. A mesure que la population augmente, la richesse se développe, et avec le développement de la richesse et de la population, il devient capable de cultiver des sols plus riches, qui lui donnent la subsistance en quantité plus considérable, et diminuent pour lui la nécessité d’aller au dehors et de se séparer de ses semblables. De simple créature n’ayant que des besoins, il passe à l’état d’être doué de puissance, et peut chaque année se procurer plus facilement les instruments à l’aide desquels il entretient le commerce avec des individus éloignés, en même temps que chaque année, également, il devient plus individualisé et moins dépendant du commerce pour avoir à sa disposition tout ce qui contribue à la commodité, au bien-être et au luxe de la vie. Les forces de la nature s’incorporent dans l’homme, dont la valeur augmente à mesure que celle de toutes les denrées diminue ; et avec cette augmentation, il trouve chaque jour une diminution dans la résistance que la nature oppose à ses efforts nouveaux.

§ 2. — Difficulté, dans la première période de la société, d’effectuer les changements de lieu de la matière. La nécessité de le faire constitue le principal obstacle au commerce. Cette nécessité diminue avec le développement de la population et de la richesse.

Si nous considérons maintenant le colon solitaire de l’Ouest, lors même qu’il est pourvu d’une hache et d’une bêche, nous le voyons obtenant, avec peine, même la cabane de la construction la plus vulgaire. Arrive cependant un voisin amenant avec lui un cheval et une charrette ; et dès lors une seconde maison peut être construite avec moitié moins de travail qu’il n’en fallait pour la première. D’autres individus arrivent successivement, un plus grand nombre de maisons devient nécessaire ; et maintenant, grâce aux efforts réunis de la colonie, une troisième maison est édifiée complètement en un jour, tandis que la première avait exigé des mois entiers, et la seconde des semaines, de pénibles efforts. Ces nouveaux voisins, ayant amené avec eux des charrues et des houes, de meilleurs sols sont mis en culture, et récompensent plus largement le travail, en permettant de conserver l’excédant pour les besoins de l’hiver.