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la puissance de la communauté sociale déclina, à mesure que la capitale s’accrut en étendue et en splendeur ; et avant qu’un autre siècle se fût écoulé, le Portugal lui-même devint une province espagnole.

§ 10. — Phénomènes sociaux qui se révèlent dans l’histoire de l’Espagne.

Si nous tournons ensuite nos regards vers l’Espagne, nous voyons que, par suite d’une longue série de guerres entre les divers prétendants au pouvoir, l’anarchie, dans la période immédiatement antérieure à la réunion des divers royaumes en 1474, avait atteint son apogée. Les châteaux des nobles étaient convertis en repaires de brigands ; repaires d’où ils s’élançaient pour piller les voyageurs, dont les dépouilles étaient ensuite vendues publiquement, en même temps qu’eux-mêmes étaient vendus comme esclaves chez les Maures. Les communications sur les grandes routes étaient partout suspendues, tandis qu’à l’intérieur des villes les nobles rivaux se faisaient des guerres particulières, attaquant les églises, et incendiant des maisons quelquefois par milliers. Au lieu de cinq établissements royaux pour frapper la monnaie, il n’y en avait pas alors moins de 150 particuliers ; et celle-ci arriva à un tel point de dépréciation que les denrées ordinaires nécessaires à la vie atteignirent un prix trois, quatre et même six fois plus élevé que leur valeur courante.

Comme il n’y avait plus aucune sécurité pour les individus ou les propriétés, le cultivateur, dépouillé de sa récolte et chassé de son champ, s’abandonna à l’oisiveté, ou bien eut recours au pillage comme au seul moyen de conserver la vie. Les famines dès lors devinrent fréquentes, et aux famines succédèrent des pestes dont les ravages s’étendirent au loin ; et c’est ainsi que le peuple se trouva réduit à la misère la plus hideuse, à mesure que ses maîtres nombreux devinrent capables d’acquérir la propriété et la puissance. Nous constatons cependant, à l’époque de la réunion de la Castille à l’Aragon, sous le règne de Ferdinand et Isabelle, un changement dans la condition et des souverains et du peuple ; partout les châteaux sont détruits et le pays est purgé des hordes de bandits dont il était infesté.

La sûreté des individus et des propriétés étant ainsi établie, et l’attention des souverains se portant alors sur la résurrection du commerce, les mesures restrictives à l’intérieur furent écartées et les étrangers furent invités à visiter les ports de l’Espagne. On