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vidualité, ou à l’extension des habitudes d’association. Toute son histoire n’est que celle de la monopolisation constamment croissante du trafic et de la centralisation du pouvoir ; et l’on en aperçoit les conséquences dans ce fait, qu’elle n’a jeté aucunes racines dans la terre ; et lorsque arriva le jour de l’épreuve, elle tomba ainsi que l’avaient fait Athènes, Carthage et Rome, et pour ainsi dire sans qu’il fût besoin de lui porter un coup.

Les histoires de Gênes et de Pise ne sont, comme celle de Venise, que celles d’une succession constante de guerres entreprises pour s’assurer le monopole du trafic et de la puissance ; et cette puissance ainsi acquise, l’expérience le prouva, fut aussi instable que celles d’Athènes et de Carthage.

§ 8. — Phénomènes sociaux qui se révèlent dans l’histoire de la Hollande.

L’histoire des premiers temps de la Hollande nous montre un peuple chez lequel l’habitude de l’association et le développement de l’individualité ont pris des accroissements rapides ; mais son histoire plus récente se fait remarquer, parmi celles de l’Europe moderne, par les manifestations qu’elle nous présente du désir de monopoliser le trafic ; par la résistance que ce désir provoqua à la fois en France et en Angleterre, par les guerres auxquelles la soif du trafic entraîna la Hollande, par l’épuisement qui résulta pour elle de ces guerres, et enfin par la preuve qu’elle nous fournit : que là où le trafic cesse d’être un instrument social, et arrive à être considéré comme l’objet pour le développement duquel on doit se servir de la société, il ne peut exister que peu de progrès physiques ou intellectuels. La terre qui autrefois donna au monde des hommes tels que Érasme, Spinosa, Jean de Witt et Guillaume d’Orange, aujourd’hui n’exerce pas la moindre influence par rapport aux lettres ou aux sciences, et très-peu même par rapport au trafic.

§ 9. — Phénomènes sociaux qui se révèlent dans l’histoire du Portugal.

Dans l’histoire du Portugal, nous trouvons une preuve frappante de la faiblesse des sociétés qui dépendent complètement du trafic, pour la prospérité dont elles peuvent jouir pendant un certain temps. La fin du XVe siècle vit le passage du Cap de Bonne-Espérance, et l’établissement de la puissance portugaise dans toute l’étendue de l’Inde, où la guerre était partout fomentée pour favoriser le trafic. Lisbonne se développant, grâce à des monopoles que l’on croyait s’être assurés, s’éleva promptement au premier rang parmi les cités de l’Europe ; mais là comme partout ailleurs,