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intellectuelle. Le foyer domestique (le home) n’existait pas ; car non-seulement les parents étaient privés de la société de leurs enfants, mais ils n’avaient même pas la liberté de prendre leurs repas en particulier. Les citoyens ne pouvaient ni acheter, ni vendre ; et il leur était interdit de se servir, pour aucun usage, des métaux les plus utiles, l’or et l’argent. Ils ne pouvaient ni cultiver les sciences, ni se livrer à leur goût pour la musique ; en même temps on leur défendait absolument toute espèce de divertissement théâtral. Les tendances d’un pareil système se trouvant ainsi en opposition avec le développement des facultés individuelles, la richesse ne pouvait se développer, et les Spartiates eux-mêmes ne purent s’élever au-delà des arts les plus primitifs et les plus grossiers, ceux qui concernent l’appropriation de la propriété d’autrui ; et c’est pour cela, qu’engagés dans des guerres continuelles, ils se montrèrent toujours prêts à se vendre au plus offrant. L’histoire de la république spartiate, pauvre et avide, perfide et tyrannique, n’est qu’un long récit du développement de l’inégalité, et des obstacles constamment apportés au mouvement de la société, jusqu’à ce qu’enfin le territoire de Sparte passe sous l’empire de quelques propriétaires environnés d’une multitude d’esclaves ; c’est le prélude de l’anéantissement d’une nation qui ne lègue à la postérité que le souvenir de son avarice et de ses crimes.

§ 5. — Phénomènes sociaux qui se révèlent dans l’histoire de Carthage.

L’histoire de Carthage n’est guère que le récit de guerres entreprises dans le but de monopoliser le trafic, et qui eurent pour principaux théâtres la Corse et la Sardaigne, la Sicile et l’Espagne. Elle dut s’assurer des colonies auxquelles étaient interdites toutes relations avec le reste du monde, si ce n’est par l’intermédiaire des marchands et des navires carthaginois ; et les colons fournissaient, eux-mêmes, au trésor de la métropole les moyens de développer le système dont ils avaient à souffrir ; dans les lieux où l’on ne pouvait établir de colonies, tous les mouvements du trafiquant étaient enveloppés du secret le plus rigoureux, le monopole étant le but qu’on se proposait ; et partout l’on avait recours, sans scrupule, aux moyens les moins délicats pour en assurer le maintien. Ne pouvant supporter de rivaux, les Carthaginois tenaient caché, comme un secret d’État, tout ce qui se rattachait au commerce de caravane, en même temps qu’ils étaient toujours prêts à autoriser les pirates qui voulaient capturer les