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les navires et les marchandises ainsi retenus pouvaient être arrachés aux mains des ravisseurs. En lisant l’histoire des procédés de la Maîtresse des Mers de cette époque et celle de ses tribunaux des prises, on ne peut guère éviter d’être frappé de la ressemblance qu’offrent ces procédés avec ceux des temps modernes, à l’époque où les mers étaient balayées des neutres, en vertu du Règlement en 56 articles, des blocus sur le papier, et des Ordonnances rendues en conseil. A chaque pas dans cette direction, correspondait une tendance plus grande à recourir aux embargos et aux prohibitions qui frappaient les relations internationales ; prohibitions qui ne contribuèrent pas peu à amener la guerre du Péloponnèse. Toutes ces mesures tendaient à ralentir le mouvement de la société au dehors ; mais en même temps à produire un amoindrissement dans la puissance d’association volontaire à l’intérieur ; et cet amoindrissement ne fit qu’augmenter, d’année en année, jusqu’à ce qu’un jour cette république jadis si fière, après avoir passé d’abord entre les mains des rois de Macédoine et des proconsuls de Rome, n’est plus représentée que par des troupes d’esclaves ; tandis qu’Atticus restait, pour ainsi dire, le seul propriétaire et le seul améliorateur d’un pays qui, à une époque plus heureuse, avait donné la nourriture et le vêtement, la prospérité et le bonheur à des millions d’individus libres et industrieux.

§ 4. — Phénomènes sociaux qui se révèlent dans l’histoire de Sparte.

Commençant nécessairement l’œuvre de la culture sur les sols les plus pauvres, Sparte ne s’étendit jamais au-delà ; et ce fut par la raison que ses institutions étaient basées sur cette idée : empêcher toute association volontaire et ne donner aucun encouragement au commerce, sous quelque forme qu’il se produisît. Dans cette république, l’homme n’était envisagé que comme une machine ou un instrument, formant une partie constitutive d’un être imaginaire appelé l’État ; à l’orgueil de cet être, à ses rancunes, ainsi qu’à sa vengeance, les individus étaient contraints de faire le sacrifice de tous leurs sentiments et de toutes leurs affections. Si le Spartiate ne se mariait pas, il était passible de certaines peines ; et s’il se mariait, on entourait de difficultés ses relations avec sa femme, dans l’espoir de stimuler les appétits sexuels et de favoriser ainsi le développement de la population. Les enfants appartenant à l’État, les parents ne pouvaient exercer aucune espèce de contrôle sur leur éducation physique, morale ou