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§ 10. — Plus la forme de la société est naturelle, plus elle a de tendance à la durée. Plus est complète la puissance d’association, plus la société tend à revêtir une forme naturelle. Plus les différences sont nombreuses, plus est considérable la puissance d’association.

La machine sociale, comme la machine humaine, se compose de parties agissant d’une façon indépendante, et dont chacune toutefois se trouve dans une harmonie parfaite et réciproque. L’estomac accomplit son acte, pendant que les yeux sont fermés dans le sommeil ; et l’oreille est ouverte, lors même que les nerfs auditifs ne sont pas excités. Chacun de ces organes change de jour en jour dans ses parties constituantes, la machine restant cependant toujours la même ; et, plus est rapide l’assimilation de la nourriture nécessaire pour l’accomplissement de ces changements, plus est parfaite l’action de l’ensemble ; et plus est grande la tendance à la stabilité et à la durée de la machine elle-même. Il en est de même à l’égard de la société, sa tendance, à la régularité constante et à la durée, étant en raison directe de la rapidité du mouvement qui s’accomplit entre ses diverses parties, et de l’activité du commerce.

Plus la forme est naturelle, plus est grande, ainsi que nous le voyons partout, la tendance à la continuité de l’existence. Déchargez d’un tombereau un amas de terre et il prendra immédiatement, de lui-même, presque la forme d’une pyramide ; et le monceau accumulé continuera de prendre cette forme aussi longtemps qu’il grossira, la base s’élargissant constamment à mesure que le faîte gagne en hauteur. L’Himalaya et les Andes dureront à jamais, parce qu’ils ont naturellement la forme d’un cône ou d’une pyramide, la plus belle de toutes celles que la matière puisse revêtir. Les Pyramides d’Égypte démontrent combien cette forme est durable ; après des milliers d’années, elles restent encore aussi parfaites qu’elles l’étaient à l’époque des souverains qui les firent élever. Si nous reportons notre attention sur la machine sociétaire, nous constatons que partout, à mesure que la richesse et la population s’accroissent, ses membres s’occupent de creuser plus profondément ses fondations, produisant au jour la marne et la chaux, la houille et le minerai si abondants au sein de la terre ; nous constatons encore qu’à mesure que les fondations deviennent plus profondes, l’élévation augmente, en même temps qu’il y a diminution dans la proportion du sommet ; et que chaque mouvement dans cette direction est suivi d’un accroissement dans l’attraction locale, nécessaire pour produire le même double mouvement, dont nous apercevons l’existence répandue dans tout