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l’augmentation de la richesse, à arrêter le développement de l’individualité, et à diminuer la valeur de l’homme.

§ 3. — Causes de perturbation qui tendent à arrêter le mouvement sociétaire. Dans la période de l’état de chasseur, la force brutale constitue la seule richesse de l’homme. Le commerce commence avec le trafic à l’égard de l’homme, des os, des muscles et du sang.

Dans le tableau que nous avons offert jusqu’à ce moment des mouvements des premiers colons, nous les avons représentés comme chefs des deux uniques familles résidant sur une île, chacune d’elles jouissant d’une parfaite sécurité pour sa personne et sa propriété, toutes deux pouvant approprier à leurs besoins et à leurs desseins tout le produit de leur travail et, conséquemment, arriver à un accroissement de richesse, de prospérité et de bonheur. Mais les choses ne se sont passées de la sorte en aucun pays du globe. Dans tous il a existé des causes de perturbation, tendant considérablement à arrêter les progrès de l’homme ; mais conformément à la loi de composition des forces, on a regardé comme juste de faire voir quelle eût été la marche des événements, si de semblables causes n’eussent pas existé. Cela fait nous pouvons maintenant soumettre à un examen intime ces perturbations, dans le but de constater de quelle manière chacune d’elles a tendu à produire la suite des actes consignés dans nos ouvrages d’histoire.

A cet effet, aux deux individus qui occupent l’île, ajoutons-en un troisième, remarquable par la force de son bras, capable, s’il le veut, de dicter des lois à ses compagnons de colonisation et disposé à vivre de leur travail au lieu de vivre du sien propre. Se plaçant entre eux, il dit à A, qui occupe l’une des parties de l’île et possède un canot : « Apporte-moi ton poisson. Cela te donnera moins de peine que tu n’en aurais à le transporter, en traversant l’île, et j’arrangerai les conditions de l’échange entre toi et B. » Au second il dit : « Apporte-moi tes oiseaux, tes lapins et tes écureuils, et je négocierai les conditions auxquelles tu pourras te procurer du poisson. »

Ace discours, les deux habitants de l’île pourraient objecter qu’ils étaient tout à fait compétents pour faire leurs échanges personnels, et qu’ils épargneraient ainsi les frais nécessités par l’emploi d’un agent ; et s’ils étaient unis, ils pourraient opposer une résistance efficace à la réalisation de ses désirs. Comme il est probable que tout effort semblable pour s’associer déjouerait son désir de vivre à leurs dépens, il devient indispensable que celui-ci empêche autant que possible tout ce qui ressemblerait à un concert d’efforts