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Le docteur Smith n’était pas le défenseur de la centralisation. Au contraire, il croyait pleinement à un système tendant à la création de centres locaux d’action ; et il ne croyait pas à celui qui avait pour but d’empêcher l’association, en forçant tous les fer-

    été pleinement cultivée et améliorée. A égalité de profits, ou à peu de différence près, la plupart des hommes préfèrent employer leurs capitaux à la culture ou à l’amélioration de la terre, plutôt que de les placer dans l’industrie manufacturière ou dans le commerce étranger. Une personne qui fait valoir son capital sur une terre l’a bien plus sous les yeux et à sa disposition, et sa fortune est moins exposée aux accidents que celle du commerçant ; celui-ci est souvent obligé de confier la sienne, non-seulement aux vents et aux flots, mais à des éléments encore plus incertains, la folie et l’injustice des hommes, quand il accorde de longs crédits, dans des pays éloignés, à des personnes dont il ne peut que rarement connaître à fond la situation et le caractère. Au contraire le capital qu’un propriétaire a fixé par des améliorations au sol même de sa terre, paraît être aussi assuré que peut le comporter la nature des choses humaines. En outre, la beauté de la campagne, les plaisirs de la vie champêtre, la tranquillité d’esprit qu’ils font espérer, et l’indépendance que la campagne procure réellement partout où l’injustice des lois humaines ne vient pas s’y opposer, sont autant de charmes qui plus ou moins attirent tout le monde. Et comme la destination de l’homme, dès son origine, fut de cultiver la terre, il semble conserver, dans toutes les périodes de sa vie, une prédilection pour cette occupation primitive de son espèce. A la vérité, la culture de la terre, à moins d’entraîner beaucoup d’incommodités et de continuelles interruptions, ne saurait guère se passer de l’aide de quelques artisans. Les forgerons, les charpentiers, les fabricants de charrues et de voitures, les maçons et les briquetiers, les tanneurs, les cordonniers et les tailleurs sont tous gens aux services desquels le fermier a souvent recours. Ces artisans ont aussi besoin de temps en temps les uns des autres, et leur résidence n’étant pas attachée rigoureusement comme celle du fermier, à un coin de terre déterminé, ils s’établissent naturellement dans le voisinage les uns des autres et forment ainsi une petite ville ou un village. Le boucher, le brasseur et le boulanger viennent bientôt s’y réunir, avec beaucoup d’autres artisans ou détaillants nécessaires ou utiles pour leurs besoins journaliers, et qui contribuent encore d’autant à augmenter la population de la ville. Les habitants de la ville et ceux de la campagne sont, réciproquement, les serviteurs les uns des autres. La ville est une foire ou marché continuel, où se rendent les habitants de la campagne pour échanger leurs produits bruts contre des produits fabriqués. C’est ce commerce qui fournit aux habitants de la ville, et les matières de leur travail, et leurs moyens de subsistance. La quantité d’ouvrage fait qu’ils vendent aux habitants de la campagne détermine, nécessairement, la quantité de matières et de vivres qu’ils achètent. Ni leur occupation, ni leurs subsistances ne peuvent s’accroître qu’en raison de la demande que fait la campagne de ce même ouvrage ; et cette demande ne peut elle-même s’accroître qu’en raison du développement et du progrès de la culture. Si les institutions humaines n’eussent jamais troublé le cours naturel des choses, le progrès des villes en richesse et en population aurait, dans toute société politique, marché à la suite et en proportion de la culture et de l’amélioration de la campagne ou du territoire environnant. » (Richesse des nations, liv. III, ch. 1 ; Collection des principaux économistes, t. V.)