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ainsi dire dans les personnes qui les possèdent, et forment une partie essentielle du fonds général de la société, une partie de son capital fixe. C’est ainsi que J.-B. Say qui dit, des mêmes classes de travailleurs, que leurs produits ne sont pas susceptibles de s’accumuler, et qu’ils n’ajoutent rien à la richesse sociale, déclare formellement, d’un autre côté, que le talent d’un fonctionnaire public, que l’industrie d’un ouvrier (créations évidentes de ces hommes dont on ne peut accumuler les produits) forment un capital accumulé. C’est ainsi que M. Sismondi qui d’une part, déclare improductifs les travaux des instituteurs, etc., affirme positivement, d’un autre côté, que les lettrés et les artistes (ouvrage incontestable de ces institutions) font partie de la richesse nationale. C’est ainsi que M. Droz, qui fait observer quelque part, qu’il serait absurde de considérer la vertu comme une richesse proprement dite, termine son livre en disant : qu’on tomberait dans une honteuse erreur si l’on considérait comme ne produisant rien, la magistrature qui fait régner la justice, le savant qui répand les lumières, etc.[1]. »

§ 5. — La définition de la richesse que nous donnons aujourd’hui est pleinement d’accord avec sa signification générale de bonheur, de prospérité et de puissance. La richesse s’accroit avec le développement, à l’égard de l’homme, du pouvoir de s’associer avec son semblable.

En adoptant la définition de la richesse que nous avons donnée plus haut, on évite de pareilles contradictions, et ce terme recouvre sa signification primitive de bonheur général, de prospérité et de pouvoir, non pas le pouvoir de l’homme sur son semblable, mais sur lui-même, sur ses facultés, et les forces multiples et merveilleuses destinées à son usage. Telle était, en grande partie, l’idée d’Adam Smith, ainsi qu’on le verra dans le passage ci-dessous, où il démontre jusqu’à quel point le bonheur, la richesse et le progrès seraient favorisés, si l’on adoptait un système en harmonie avec ces « penchants naturels de l’individu » qui le portent à se concerter avec ses semblables pour développer les facultés diverses de tous les membres de la société, en facilitant l’extension du commerce et l’affranchissement des exactions du trafiquant et du soldat[2].

  1. Journal des économistes, Février 1853, p. 166.
  2. « Cet ordre de choses, qui est en général imposé par la nécessité, quoique certains pays puissent faire exception, se trouve en tout pays fortifié par le penchant naturel de l’homme. Si ce penchant naturel n’eût jamais été contrarié par les institutions humaines, nulle part les villes ne se seraient accrues au-delà de la population que pouvait soutenir l’état de culture et d’amélioration du territoire dans lequel elles étaient situées, au moins jusqu’à ce que la totalité de ce territoire eût