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La propriété d’être utile à l’homme appartient à toutes les molécules de matière dont la terre se compose ; elle existe en égale proportion dans la houille, placée à des milliers de pieds au-dessous de la surface de la terre, et dans celle qui brûle en ce moment dans la grille du foyer ; dans le minerai, encore enseveli au sein de la mine, et dans celui qui a été converti en cheminées à l’anglaise, en grilles ou en rails pour les chemins de fer. Pour utiliser ces choses il a fallu, la plupart du temps, une dépense considérable d’efforts physiques et intellectuels ; et c’est à cause de la nécessité de ces efforts, que l’homme arrive à attacher l’idée de valeur aux denrées et aux choses qu’il a obtenues par ce moyen.

En quelques cas, lui étant fournies abondamment et précisément sous la forme et dans le lieu où elles sont nécessaires, ainsi que cela a lieu pour l’air que nous respirons, elles sont alors complètement sans valeur. En d’autres, elles lui sont fournies par la nature sous la forme où elles sont utilisées, comme lorsqu’il s’agit de l’eau ou de l’électricité ; mais ces choses mêmes exigent un changement de lieu, et conséquemment, d’après notre appréciation, elles ont une valeur équivalente à l’effort nécessaire pour triompher de la résistance qui s’oppose à leur possession. Dans une troisième série de cas, et la plus nombreuse de toutes, elles ont besoin de subir un changement de lieu et de forme, et acquièrent alors une valeur plus élevée, à raison de la résistance plus considérable dont il faut triompher.

Pour que l’homme devienne capable d’effectuer ces changements, il doit d’abord utiliser les facultés qui le distinguent de la brute. Dans l’homme isolé elles sont à l’état latent ; l’association est indispensable pour les stimuler et créer le mouvement nécessaire à la production de la force. Si Bacon, Newton, Leibniz, ou Descartes, eussent été laissés seuls dans une île, la capacité dont ils étaient doués pour être utiles à leurs semblables eût été exactement la même que celle que nous leur avons vu révéler ; mais leurs facultés seraient restées inactives et sans utilité. Telle qu’était cette capacité, pouvant s’associer à d’autres semblables ou différentes, leurs diverses idiosyncrasies furent provoquées à l’activité, et l’individualité se développa de plus en plus, avec un accroissement constant dans la somme de connaissances accumulées et la facilité de nouvelles accumulations.

Chaque jour on nous assure que « savoir c’est pouvoir » et si