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En outre, parmi les livres qui sont en sa possession, tous ceux qui ont été reliés il y a quarante ans le sont en peau ; tandis que parmi les livres modernes presque tous le sont en toile. A une époque plus reculée, la toile de coton exigeait, pour sa fabrication, une large dépense de travail humain, et sa valeur était tellement considérable, qu’une quantité de douze ou quinze mètres était tout ce que l’ouvrier pouvait obtenir, au prix des efforts d’une semaine. Mais depuis cette époque, diverses forces naturelles ont été mises en œuvre pour seconder les efforts du fabricant de toile ; la vapeur a remplacé les doigts qui antérieurement filaient la laine, et les bras qui autrefois tissaient la toile, en même temps que la chimie a accompli une œuvre analogue à l’aide de la lumière du soleil, et a permis au blanchisseur de toiles de faire, en une heure, ce qui autrefois avait exigé le travail d’une semaine ; et la conséquence de cet accroissement de pouvoir sur la nature a été qu’on peut maintenant obtenir, en retour du travail d’une seule heure, un mètre de toile qui, il y a cinquante ans, eût été une compensation suffisante pour celui d’une demi-journée. Le commerçant, qui eût conservé sur les rayons de son magasin une pièce de toile fabriquée il y a un siècle, aurait constaté nécessairement la diminution constante de sa valeur, en même temps que la diminution des frais qu’exige aujourd’hui sa reproduction. Supposons qu’il continue à garder cette pièce de toile, et à mesure que de nouvelles forces sont appelées au service de l’homme, il peut constater une nouvelle diminution, jusqu’au moment où il ne l’appréciera que comme équivalente au cinquième de la somme de travail, en échange de laquelle elle se vendait primitivement. L’utilité du coton a augmenté considérablement ; mais la valeur de la toile de coton a diminué dans la même proportion ; et tous ces résultats ont eu

    ment ? La réponse à cette question, c’est que la valeur réelle du livre doit consister dans le plaisir ou l’instruction qu’on retirera de sa lecture ; et qu’on peut obtenir ce livre, aujourd’hui, moyennant le dixième des frais de travail qui étaient nécessaires dans l’enfance de l’imprimerie. Toutes les valeurs semblables à celles que nous venons de citer sont aussi purement imaginaires, et aussi dépendantes de la mode, que l’étaient quelques-unes de celles de la Hollande aux jours de la tulipomanie. La valeur est limitée par le prix de reproduction ; et toutes les fois qu’un article ne peut être reproduit, comme dans le cas de l’ouvrage de Boccace, ou des peintures du Guide, ou des sculptures de Phidias, sa valeur n’a d’autre limite que le caprice de ceux qui désirent posséder cet article, ou qui possèdent le moyen de le payer.